Autour des livres: balade napolitaine

Nous somme nombreux ces jours-ci à être plongé(e)s dans Celle qui fuit et celle qui reste, le troisième volet de la saga napolitaine d’Elena Ferrante sorti en début de semaine. C’est également l’occasion pour d’autres de découvrir à leur tour L’amie Prodigieuse et Le nouveau nom.

Cette lecture, c’est pour moi l’envie de vous emmener en balade dans les rues de Naples, troisième ville d’Italie après Rome et Milan, aujourd’hui capitale de la Campanie et capitale historique du Royaume de Naples et du Royaume des Deux-Siciles. Fondée dans l’Antiquité par les Grecs, elle fut tour à tour byzantine, normande, angevine et aragonaise, jusqu’au 18 ème siècle où elle devient capitale des Deux-Sicile.

Naples, aujourd’hui, est une ville qui fourmille sous toutes les strates de cette histoire,  vulnérable économiquement, victime de son statut de ville du Sud, rebelle par rapport à ses cousines policées du Nord, et sous l’emprise de la Camora.

Dans Celle qui fuit et celle qui reste, Lenu a ces mots à son retour à Naples:

A chaque fois que je rentrais, je retrouvais une ville faite d’un feuilleté de plus en plus friable, qui ne supportait pas les changements de saison, le chaud, le froid ni, surtout, les orages. (…) J’avais en mémoire des rues sombres et pleines de danger, une circulation de plus en plus désordonnée, des chaussées défoncées et de grosses flaques (…). Les gens mouraient de l’incurie, de la corruption et des abus.

Naples semble figée dans son histoire aujourd’hui encore. Elle vit avec son tempérament du Sud, solaire, aguicheuse, bruyante, impétueuse, poussiéreuse, passionnée, sale, lumineuse, généreuse, accueillante. Naples est la ville des épithètes paradoxaux!

Au visiteur qui se rend à Naples, on dit souvent « Attention, ne sors pas avec tes bijoux! Ne montre pas ton appareil photo! Accroche bien ton sac en bandoulière! ». Plusieurs fois nous nous sommes rendus à Naples, où nous avons vécu le temps de notre séjour dans les quartiers populaires, et jamais nous ne nous sommes sentis en danger. Au contraire, les napolitains étaient bienveillants, protecteurs, ici nous apostrophant tous les jours à notre sortie de l’immeuble, là offrant aux enfants un petit pain sorti tout droit du four du boulanger.

Dans Le jour avant le bonheur, Erri de Lucca écrit à son sujet:

C’est à ce moment-là que j’ai compris la ville: monarchie et anarchie. Elle voulait un roi et pas de gouvernement. C’était une ville espagnole (…). Naples est espagnole, elle se trouve en Italie par erreur.

Naples, ce sont, mis bout à bout, beaucoup de quartiers populaires, laissés dans leur jus, avec des immeubles à la jolie patine jaune (ou délabrée, selon le point de vue), et partout ces petits autels à la mémoire des défunts de la famille, de Pio Padre ou des saints que l’on vénère.

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C’est Le linge qui pend aux fenêtres, les enfants qui crient dans la rue et les scooters qui ne préviennent pas quand ils arrivent.

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Même si le quartier de nos amies prodigieuses se situe dans les faubourgs de Naples, c’est ainsi que je l’imagine. L’épicerie pourrait évoquer celle des Carracci:

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Le magasin de fruits celui des Scanno:

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La pharmacie celle des parents de Gino :

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tandis qu’on pourrait imaginer Lenu sortir de cette papeterie qui m’évoque celle où travailla pendant son adolescence:

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Ces quelques images sont bien entendu réductrices, Naples a aussi ses grandes artères, ses quartiers plus modernes, plus nobles.

Dernièrement, c’est la télévision qui nous a offert un autre visage, cru et sans artifice dans la série Gomorra, tournée dans le tristement célèbre quartier de Scampia – là, les touristes ne s’y rendent pas, même sans bijoux, appareils photo et sac en bandoulière…

Naples, c’est aussi une ouverture sur la mer, le départ vers les îles : Ischia (que de souvenirs pour Lila et Lena), Procida, Capri.

Et surtout,  c’est une menace millénaire silencieuse, une présence respectueuse en toile de fond de la mégapole: le Vésuve.Souvenez-vous comme Lena l’évoque dans l’Amie prodigieuse:

Qu’y avait-il donc au-delà de notre quartier, au-delà de ce périmètre que nous connaissions par coeur? Derrière chez nous s’élevait une petite colline recouverte d’arbres et quelques rares constructions qui longeaient les rails brillants (…). Mais si par une belle journée on grimpait jusqu’à la voie ferrée on voyait, derrière des maisons basses, quelques murs en tuf et une épaisse végétation, se dresser une montagne bleu ciel dotée de deux sommets, l’un plus haut que l’autre: elle s’appelait le Vésuve et c’était un volcan.

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Le Vésuve sera prochainement l’occasion d’évoquer d’autres lectures, mais j’y reviendrai…

Lectures napolitaines :

13 réflexions sur “Autour des livres: balade napolitaine

  1. Rien à faire: entre Elena Ferrante et moi, le courant ne passe pas! J’ai débuté « L’amie prodigieuse », mais ne suis pas allée au-delà de 100 pages. Ennuyée comme c’est pas possible.
    N’empêche, je jalouse un peu cet engouement autour d’une auteure!
    Ton billet est magnifique! Et ces photos… Bref, ça, ça me donne envie!

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    1. Tu sais, je me demande si tu ne devrais pas essayer le 2ème tome, Le nouveau nom, où Lila et Lenu sont de jeunes adultes – tellement de choses se jouent ici, je l’avais encore plus dévoré que le premier. Quitte éventuellement à revenir au premier si l’envie t’en prend – ou passer directement au 3.
      Merci en tous les cas 🙂 Naples est une ville qu’on aime ou déteste, mais elle ne laisse personne indifférent!

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  2. Bonjour Soso!
    quel magnifique billet! J’apprécie tout particulièrement ces photos qui agrémentent de manière concrète toutes tes belles phrases, et nous qui rêvons de traîner nos guêtres dans cette ville incroyable que doit être Naples, tu nous mets l’eau à la bouche!
    Longue vie à ton blog
    Géraldine

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  3. Argh que faire, rester un peu à Naples avant d’aller à Sorrento?? 😬😬 quel beau voyage, un vrai document, avec toi on n’a presque plus besoin de prendre l’avion. Une chose est sûre c’est qu’il faudra enfin que je lise les livres que tu mets en exergue avant de m’y rendre! Jai Hâte 🤗🤗🤗

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  4. Ce qui me séduit et m’intrigue à Naples, c’est ce palais inachevé en bord de mer, le Palazzo Donn’Anna ;o)
    Joli reportage sur la ville en tout cas ! et il te faut absolument lire deux autres romans d’Erri de Luca sur sa jeunesse napolitaine : « Montedidio » (c’est une merveille !) et « Tu, mio »

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