Les Indésirables

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Il y a quelques jours, Emmanuel Macron commémorait en compagnie de Benyamin Netanyahou, premier ministre Israélien, le soixante-quinzième anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv. Le 16 juillet 1942, et les jours suivants, plus de 13 000 juifs, dont 4 115 enfants, étaient arrêtés par 9.000 fonctionnaires français. D’abord entassés au Vel d’Hiv, ils furent évacués vers des camps de transit avec d’être envoyés vers les camps d’extermination.

Ce que l’Histoire a moins retenu, c’est que le Vel d’Hiv avait précédemment servi à « accueillir » de la même façon d’autres « indésirables ».

Le 12 mai 1940, dans un Avis à la population, le Général Héring, gouverneur militaire de Paris, invite « les ressortissants allemands, sarrois, dantzikois et étrangers de nationalité indéterminée résidant dans le département de la Seine » à se rendre pour les hommes au Stade Buffalo à Montrouge, pour les femmes célibataires ou mariées sans enfant au Vélodrome d’Hiver.

Des milliers d’indésirables rejoignent ainsi, le 15 mai 1940- à leurs frais, avec les 30 kilos de bagages autorisés et des vivres pour deux jours, l’ancienne scène du cyclisme français. Parmi les anonymes pour la plupart originaireS d’Allemagne ou de l’Est de l’Europe, de grandes figures du monde des Lettres et des Arts de l’époque sont également conviées: Gerda Groth, la maîtresse du peintre russe Soutine, l’actrice en vogue Dita Parlo, ou la philosophe Hannah Arendt.

Et on ose les appeler les indésirables! Sans elles, plus un seul tableau, plus un seul poème ne s’écrit, toutes les muses des français sont ici!

C’est dans la chaleur étouffante et nauséabonde du Vel d’Hiv qu’Eva et Lise vont se rencontrer, et lier leurs destins. Lise, la juive berlinoise qui a quitté son pays avec sa mère par peur de la montée du nazisme, et Eva l’aryenne qui a fui Munich et sa puissante famille. Surmontant ensemble le calvaire de ces premiers jours d’enfermement, Lise et Eva se retrouvent très vite,  de cars en train, de wagon en camion, à parcourir ensemble des milliers de kilomètres qui les conduiront jusque dans les Pyrénées, au camp de Gurs.

Evidemment, Lise, Eva et leurs compagnes d’infortune ne sont pas encore arrivées au bout de l’horreur et vont découvrir peu à peu le camp et ses conditions de vie inimaginables.

Ce premier soir à Gurs, trois mille femmes ont les paupières ouvertes sur les jeunes filles qu’elles ont été, espérant retrouver l’innocence qui les sauvera jusqu’au lendemain

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Femmes juives incarcérées, derrière la clôture de fil de fer barbelé dans le camp de détention de Gurs. France, entre 1940 et 1943.
source photo : United States Holocaust Memorial Museum
crédit photo : USHMM

Dans leur capacité de survie, toutes ces femmes vont devoir se montrer aussi inventives que combatives pour échapper à la misère et aux mauvais traitement de leur quotidien. Et quand elles réussissent à ouvrir un cabaret où elles vont pouvoir jouer de la musique et chanter, le camp pourra pour quelques heures à chaque fois échapper aux affres de la guerre – une guerre qui malheureusement est loin d’être finie et devra emmener vers leur destinée ces vaillantes indésirables.

S’inspirant d’histoires vraies, Diane Ducret a écrit un livre qu’on a du mal à qualifier: roman, récit historique, farce, comédie?

Le livre est extrêmement bien documenté, l’écriture de Diane Ducret est fine, agréable, sait se faire érudite. Les héroïnes qu’elle a inventées sont très attachantes, arrachées qu’elles ont été aux promesses de la vie.

Alors qu’a-t-il manqué pour que le livre aie ce « truc en plus », pour qu’il laisse en moi une trace si forte que j’y pense pendant des jours? L’émotion de l’histoire dans l’Histoire est là, mais pourquoi ais-je eu parfois ce sentiment de farce, de comédie qui m’ont rendu l’histoire parfois si peu crédible? Les personnages sont pour certains trop caricaturaux à mon goût, et les ressorts de l’histoire paraissent au final assez invraisemblables.

C’est ainsi, je suis certainement injuste à l’égard de ce livre qui a beaucoup de qualités, dont ces jolis portraits de femmes, et qui nous donne à voir l’Histoire sous un angle peu connu. L’auteure a compulsé avec une précision d’orfèvre des informations historiques avérées, ajoutant en plus ça et là dans son texte poèmes et chansons qui se font témoignages historiques percutants.

Je recommande toutefois ce livre à tous ceux et celles qui aiment cette période historique et les histoires d’amitiés féminines fortes et belles, à la vie à la mort.

Titre: Les Indésirables

Auteur: Diane Ducret

Editeur: Flammarion

² 2017

6 réflexions sur “Les Indésirables

    1. J’espérais aussi que ce serait une biographie. Mais c’est « juste » inspiré de personnages. Le sujet reste grave, mais je ne sais pas l’accommoder de ce ton pour une telle période… Au revoir là-haut, par exemple, était une farce aussi, il s’agissait certes de la première guerre mondiale, mais Le ton était donné d’emblée et j’ai aimé inconditionnellement.

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  1. J’ai découvert l’auteure avec son livre sur les femmes de dictateurs…que j’avais trouvé mal écrit, avec beaucoup de répétitions, comme si les chapitres avaient été écrits séparément sans que l’ensemble ne soit relu par la suite… du coup, même si le sujet m’intéresse, cette mauvaise expérience et tes bémols me font passer mon tour!

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