Ta vie ou la mienne

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Ta vie ou la mienne… comment deviner en démarrant cette lecture l’ampleur du drame qui se cache derrière ce titre?

Hamed a treize ans lorsqu’il débarque de Sevran à Saint-Cloud – jeune, mais déjà bien amoché par la vie, désormais orphelin, son oncle et sa tante l’accueillent dans la douceur d’un cocon qu’il n’a jamais connue jusqu’à présent. Dans sa cité des Beaudottes, Hamed a appris à jouer au football. Avec sa stature, sa présence, sa façon aérienne de jouer au ballon, il se fait vite remarquer au club de Saint-Cloud. Il y rencontre François, un garçon de son âge. François est le souffre douleur de l’équipe, et encaisse les coups. Le jour où Hamed le défend, la vie change pour les deux garçons – François a maintenant un ami, et Hamed se voit offrir le soutien de Pierre, le père de François, un ancien joueur professionnel. Alors qu’il sont au lycée, les deux garçons rencontrent Léa, jeune fille de bonne famille, étrange et réservée, et en tombent amoureux. Léa, comme la plupart des filles du lycée, s’éprend du charismatique Hamed. Mais Hamed a des valeurs, un code d’honneur, et lorsque François se fait éconduire par Léa, il lui ferme également son coeur.

Il va donc à son tour rejeter la jeune fille, prétextant leurs différences sociales et culturelles insurmontables – mais peut-on vraiment lutter contre un amour de cette force?

Alors que la possibilité d’un avenir prometteur semble enfin s’offrir à lui à travers le football et avec l’amour de Léa auquel il a enfin accepté de s’ouvrir, le destin d’Hamed bascule une nuit, et le jeune homme est condamné à quatre ans de prison. Coupant les ponts avec tous, il est irrémédiablement emporté dans la spirale infernale de la délinquance, dans un univers carcéral corrompu, où la violence quotidienne qui règne vient à bout des meilleures âmes.

Peut-on survivre à la prison ?

L’enfance d’Hamed était morte dans ce cachot. Durant ces trente jours, une part de lui s’était éteinte. Il éprouvait désormais une rage, une haine irrévocables envers l’autorité. Il était devenu un fantôme 

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Qui sera l’homme qui sortira de Fleury-Mérogis au bout de quatre ans?

Quel avenir pour lui, quel avenir pour un homme qui a laissé sa vie en prison?

Il savait que, comme tant d’autres, l’ogre de béton l’avait avalé, et qu’il recrachait en pleine nature un animal blessé, assoiffé de violence

Y aura-t-il dans cette sortie un infini espoir pour que Léa et Hamed puissent reprendre leur histoire là où ils l’avaient laissée quatre ans plus tôt?

J’ai fermé le livre avec beaucoup d’émotion, et l’histoire a continué à tourner en boucle dans mes pensées. Voilà à quoi je juge (entre autres) qu’un livre m’a touchée.

En m’embarquant dans l’histoire, j’avoue avoir gardé quelques distances. Et s’il s’agissait d’une énième histoire qui nous livrait les clichés habituels des bonnes et des mauvaises banlieues, Saint-Cloud et le parc de Montretout d’un côté, les barres HLM de Sevran de l’autre, la bourgeoise du 92 contre la misère du 93. La jolie fille de la haute, catholique et vieille France et le bad boy arabe d’une sombre banlieue. Amours impossibles et prévisibles.

Mais tout cela n’a que pour but de surprendre le lecteur… et c’est là que l’on se prend cette lecture en pleine figure, comme un uppercut.

Les personnages prennent chacun leur place, avec ce que la vie leur donne – rage, combattivité, amour. Chacun se construit sur ce que l’autre a pu lui laisser, ou pas. Et il n’y a ici aucun cliché. Chacun à leur façon, les personnages principaux comme secondaires nous atteignent – la beauté d’Hamed derrière les drames de sa vie, la combattivité de Léa malgré le désespoir, la grandeur d’âme de François fidèle dans son amitié à Hamed, jusqu’au bout.

Guillaume Para offre à son premier roman, en plus d’un souffle romanesque d’une grande émotion, sa culture journalistique, qui apporte un réalisme plus que convaincant. Ses descriptions des banlieues et du milieu carcéral, en dénonçant la violence quotidienne, la corruption, les conditions de détention inacceptables et les difficultés de réinsertion des détenus sonnent comme un plaidoyer, qui donne une terrible envie d’interpeller les pouvoirs publics sur l’inhumanité de nos prisons.

Mais c’est aussi une magnifique histoire d’amour et d’amitié(s), à laquelle on pensera longtemps.

Ta vie ou la mienne est un coup de coeur, tout simplement.

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Titre: Ta vie ou la mienne

Auteur: Guillaume Para

Editeur: Editions Anne Carrière

Parution: 2018

4 réflexions sur “Ta vie ou la mienne

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