
Embochée… C’est ce qu’ils pensent tous d’elle, ce 16 août 1944, lorsqu’ils viennent l’arrêter chez elle. L’embochée aura la tête rasée, comme toutes celles qui ont couché avec l’ennemi. On appelle ça la « collaboration horizontale ».
Parmi toutes celles qui ont subi cette humiliation publicue, elle est celle dont on se souviendra – immortalisée par la photo de Robert Capa dans les rues de Chartres, tandis qu’elle est traînée avec son bébé dans les bras.

Julie Héraclès a imaginé l’histoire de Simone, il n’est pas question ici de comparer le roman à la réalité. Simone Touseau, la vraie, laisse place à Simone Grivise, personnage de roman.
Cette Simone-là est une fille qui a choisi le mauvais camp, celui de l’ennemi.
Issue d’un milieu modeste, c’est une lycéenne brillante qui s’illustre dans toutes les matières, et particulièrement en allemand – lorsque la guerre éclate, Simone est fascinée par la grandeur de l’Allemagne et aveuglée par l’idéal du national-socialisme. Elle comprend à peine la fuite de son amie Colette et de sa famille, juive. Simone a foi en Pétain, en l’Armistice, et en cette France qui va bénéficier, c’est certain, de la grandeur allemande. Son bac en poche, elle propose ses services de traductrice à la Feldkommandantur de Chartres, où elle va se rapprocher d’un jeune lieutenant bibliothécaire, Otto Weiss.
Simone, comme toutes les jeunes filles de son âge, rêve d’amour – et après une amère déception, la cour discrète du jeune lieutenant lui redonne foi en la vie.
Les activités de Simone auprès de l’ennemi sont déjà très mal vues de son voisinage, et sa relation avec le lieutenant Weiss risque de la compromettre davantage. Mais Simone en est sûre, la gloire de l’Allemagne donnera raison à son histoire…
C’est un point de vue inhabituel que nous propose Julie Héraclès en choisissant de raconter cette histoire. Car elle choisit de nous faire éprouver de l’empathie pour une jeune et naïve sympathisante française du régime allemand, sujet délicat et dérangeant, surtout lorsqu’en se renseignant davantage on découvre que la vraie Simone était une partisane du nazisme.
La narration à la première personne nous immerge dans la peau de la jeune femme. En jouant avec un langage parlé, elle rend l’époque palpable et la proximité avec son personnage plus forte, malgré quelques clichés, tant linguistiques (la gnôle, le saucifflard, le calendos et j’en passe) que culturels – inévitables, car véhiculés par la culture populaire des films, des romans ou séries qui ne cessent de raconter la guerre, et qui font partie de notre inconscient collectif (pour ma part, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser au vieux téléfilm, « Au bon beurre », popularisé par Andrea Ferréol et Roger Hanin. Pardon, je m’égare).

Mais on se laisse totalement happer par son récit et sa construction, qui alternent entre cette journée d’août 1944 et les années de jeunesse de Simone, qui n’a alors que 23 ans. Oui, j’ai littéralement dévoré ce roman, et je salue le talent de la primoromancière à embarquer son lecteur dans un récit historique si captivant!
Titre: Vous ne connaissez rien de moi
Auteur: Julie Héraclès
Editeur: JC Lattès
Parution: août 2023