La fin d’une ère

couverture du livre La fin d'une ère d'Elizabeth Jane Howard

Le rideau se referme sur la grande saga des Cazalet, et c’est comme assister à la dernière d’une pièce de théâtre: on démonte le décor, bientôt il ne restera plus rien, si ce n’est un souvenir dans nos coeurs.

Et quel souvenir! Depuis ce mois d’avril 2020 où ils sont entrés dans nos vies de lecteurs jusqu’à la sortie de ce cinquième et dernier volume, ce ne sont pas deux ans qu’on a le sentiment d’avoir partagés avec les personnages, mais toute une vie. Les adieux sont d’autant plus tristes, et pourtant on se sentira éternellement reconnaissants envers Elizabeth Jane Howard de nous avoir offert ces derniers moments, écrits dix-huit ans après Nouveau départ.

C’est une nouvelle ère, neuf ans après les avoir quittés, qui augure à la fois du déclin d’une période, et du début d’une autre.

La Duche, née sous le règne de la reine Victoria, s’éteint sous celui d’une toute jeune souveraine, Elizabeth II. 

Que vont devenir Hugh, Edward, et Ruppert, alors que l’entreprise familiale connaît des difficultés économiques, que va devenir Rachel, affranchie de ses parents? Home Place, refuge de la famille, a-t-il encore une raison d’être? 

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Nouveau départ

Nouveau départ
Elizabeth Jane Howard

Comme tous les rendez-vous qu’on attend avec impatience, on peut parfois craindre qu’il ne soit pas à la hauteur. Je vous rassure immédiatement: ce quatrième volet de la saga des Cazalet est aussi addictif que les trois premiers, si ce n’est davantage!

Le précédent volume couvrait 3 ans. « Nouveau départ » se joue sur deux années cruciales dans la vie des personnages, et démarre dans la continuité de « Confusion », en 1945. 

Les longues années de guerre sont finies, années pendant lesquelles la famille Cazalet a vécu son lot de bouleversements. 

Malgré l’heureuse nouvelle qui accompagne la fin de la guerre, ce volume est celui de nouvelles épreuves qui assombrissent le quotidien de la famille: divorce, séparation, décès… 

Mais c’est aussi l’heure, pour les petits-enfants devenus adultes, de sceller des unions qui donnent un nouvel élan à la saga.

Les Cazalet ont regagné Londres. La fin de la guerre n’a que peu changé la vie des habitants: les plaies de la ville sont béantes, et la vie ne fonctionne encore qu’à coups de tickets de rationnement. Les cousines sont devenues des jeunes femmes actives et indépendantes. Polly et Clary sont fidèles aux passions qui les habitent depuis leur enfance: la décoration pour la première, la littérature pour la seconde.

Malgré ce début d’émancipation, les femmes sont encore à la merci d’une culture patriarcale ancestrale. On leur met la main aux fesses? Sois belle et tais-toi! 

 » – Il voulait me mettre dans son lit. Je suis désolée

– Et alors? Vous êtes une grande fille, ma chère. Comportez-vous en adulte »

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Confusion

Confusion
Elizabeth Jane Howard

Avec la sortie de ce troisième volume de la saga des Cazalet en un an, on peut légitimement se poser la question: est-ce qu’on ne finit pas par s’en lasser? 

Alors je tiens immédiatement à vous rassurer: non, bien au contraire!!

Il y a un an, j’avais la chance infinie de découvrir cette saga en début de confinement – je suis persuadée que les Cazalet auront rendu cette période plus douce.

Est-ce une coïncidence si, un an plus tard, j’ai débuté ce troisième confinement avec le troisième volume de la saga?

Confusion démarre en mars 1942, juste après l’évènement qui nous a brisé le coeur à la fin d’A rude épreuve (je marche sur des oeufs pour ne pas trop en dévoiler…). 

Le rythme de cette suite, comme la précédente, s’articule autour des trois cousines Louise, Polly et Clary, ainsi que de la famille. Louise, à peine mariée et jeune maman, perd ses illusions sur le bonheur conjugal et la félicité maternelle – d’autant plus que son mari, engagé dans la marine, préfère largement passer ses permissions auprès de sa mère Zee, dont l’emprise est de plus en plus troublante. 

« Louise savait, à présent, que le véritable problème était que Zee n’aimait pas les femmes en général, ce qui, d’une certaine façon, était plus embêtant que si elle n’avait pas aimé sa bru en particulier ».

Polly et Clary s’émancipent, et quittent enfin Home Place pour avoir une vie de jeunes londoniennes – malgré la guerre, qui rend la vie « atrocement déprimante » selon Clary. Mais finalement, sont-elles encore capables, après plus de trois ans, de se souvenir de ce qu’était la vie avant la guerre? 

Les Cazalet, égaux à eux-mêmes, continuent à avancer dans l’adversité, armés de leur bonne éducation, courageux, mais entretenant toujours leurs petits secrets et de grands silences.

A quoi tient le talent d’Elizabeth Jane Howard, qui réussit encore à nous tenir en haleine?

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A rude épreuve

A rude épreuve Elizabeth Jane Howard éditions La Table Ronde

C’est comme une lettre qu’on attend depuis longtemps et qu’on a enfin entre les mains: on n’ose plus l’ouvrir, de peur de gâcher par la précipitation les longs moments d’une languide impatience dans laquelle on se plaisait bien, finalement.

Je l’ai regardé souvent avant de l’ouvrir, l’oeil s’attardant sur (une nouvelle fois) la beauté de la couverture qui plante le décor: le vert du Sussex, la mer, la présence féminine incontournable du roman. Et dans le ciel, inquiétant, un bombardier noir.

Nous avions quitté la famille Cazalet en 1938, alors qu’une nouvelle guerre semblait inéluctable.

Lorsque nous les retrouvons réunis et abasourdis autour de la TSF de Home Place en ce mois de septembre 1939, l’entrée en guerre est devenue une réalité. 

La vie se réorganise dans le Sussex, chez le Brig et la Duche, où s’installent malgré elles les belles-filles qui auraient préféré rester à Londres, leurs filles et leurs plus jeunes enfants. 

Hugh rentre à Londres gérer l’entreprise familiale, tandis qu’Edward et Ruppert s’engagent dans cette nouvelle guerre…

Le pire était arrivé, et ils faisaient presque comme si de rien n’était. Voilà comment se comportait sa famille en temps de crise 

Rien ne semble pouvoir ébranler la vie des Cazalet, qui continuent à vaquer à des occupations adaptées aux circonstances: rapatrier chez eux l’institution de charité dans laquelle ils sont investis, occulter les nombreuses fenêtres des cottages pour le black-out, acheter des vêtements assez grands et des métrages de tissus, prévoir les repas en dépit des rationnements qui s’installent – tandis que le soir, dans le crépitement des bûches, on joue des sonates de Mozart dans le cliquètement des aiguilles à tricoter.

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Etés anglais

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Voici LE livre que j’aimerais pouvoir vous voir tous lire en ce moment. 

« Etés anglais » est un de ces romans pour lesquels on rêve d’avoir une plage de temps infini devant soi pour s’immerger dedans jusqu’à la dernière page – roman fleuve, il nous entraîne dans les eaux romanesques de la saga familiale des Cazalet, une échappée infiniment jubilatoire. 

En cet été 1937, les trois fils des Cazalet se préparent à rejoindre depuis Londres, avec femmes et enfants, le fief familial du Sussex: Home Place. 

De part et d’autre, c’est l’effervescence des derniers préparatifs. Le Brig et la Duche, comme sont surnommés les patriarches de la famille, mènent comme à l’accoutumée d’une main de maître l’organisation de la maison, aidés dans leur tâche par leur fille célibataire, Rachel.

A Londres, les fils gèrent les affaires courantes, les femmes s’occupent de leur dernière soirée en société, les cousines assistent aux derniers cours de leur préceptrice, les cousins reviendront bientôt de pension, et les plus petits trainent dans les jupes des nannies. 

Ainsi débute dans la grâce le ballet de ces trois générations de Cazalet, aimants et loyaux, avec un sens de la famille aussi aiguisé que leur éducation bourgeoise et leur exquis savoir-vivre britannique. D’une page à l’autre, Elizabeth Jane Howard nous emporte dans l’épopée de deux étés qui vont vers un virage inévitable: la guerre, que l’on croyait loin derrière, bien qu’elle ait marqué de façon indélébile la vie des deux aînés Edward et surtout Hugh.

Dans cette parenthèse au vert, le temps semble comme suspendu dans les journées qui se succèdent entre l’équitation, le tennis, la plage et les innombrables repas. Mais le petit miracle, ce sont ces tranches de vie qui se succèdent, tous ces détails qui fourmillent d’une vitalité romanesque qui jamais ne s’essouffle. Chaque personnage creuse son sillon dans l’histoire – et des personnages, il y en a! 

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