Le Sans Maître

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Les romans d’aventure ont un petit goût d’enfance, telle la madeleine qui ravive un plaisir oublié.

Virginie Caillé-Bastide, dans son nouveau roman Le Sans Maître, confirme son talent pour ce genre devenu rare – et d’autant plus savoureux à lire quand on sature de drame contemporain qui nous ramène trop à nos propres existences.

Côme de Plancoët vit sur les terres de sa seigneurie du nord de la Bretagne, qu’il n’a jamais quittée – Côme est apparenté à Arzhur de Kerloguen, le noble devenu terrible pirate des mers des Caraïbes, dont nous avions fait connaissance dans Le Sans Dieu mais Le Sans Maître n’est pas une suite du premier.

Jusqu’à cette année 1720, Côme a fait le choix d’une vie solitaire, qu’il consacre à développer son savoir dans les livres d’une fabuleuse bibliothèque à nous faire pâlir d’envie, remplie de livres rares et anciens acquis par ses ancêtres, et en entretenant une correspondance érudite avec de brillants savants européens, où l’échange d’idées progressistes pourraient lui valoir de gros ennuis avec les autorités puritaines et bien-pensantes du royaume. Et Côme de Plancoët, s’il savait qu’un ennemi assoiffé de vengeance complotait contre lui, serait bien plus prudent… 

Célibataire endurci, il a confié les rênes de son château à des personnes de confiance qui lui sont particulièrement attachées, comme sa bonne vieille cuisinière Thérèse, le métayer Erwan ou encore le jeune palefrenier Nicolas, qui prend grand soin du fidèle étalon Bucéphale, qui accompagne les chevauchées quotidiennes du jeune seigneur sur son domaine. 

La vie de Côme de Plancoët s’écoulerait dans la plus merveilleuse des félicités, d’autant plus qu’il vient de rencontrer son double féminin, une jolie cavalière noble et effrontée, si par un terrible concours de circonstance il ne devait s’enfuir pour échapper à celui qui depuis des années nourrit dans l’ombre une haine tenace à son égard. 

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Le Sans Dieu

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Mille sabords!

Qui aurait pu croire que je m’éprendrais d’un roman de pirates? Certainement pas moi…

Et pourtant, dès les premières pages, Virginie Caillé-Bastide m’a embarquée dans l’histoire du Sans Dieu, sans que j’aie envie de la lâcher!

L’histoire commence en 1709, en Bretagne. Lors d’un hiver terriblement froid au cours duquel une famine outrageusement meurtrière s’installe, Arzhur de Kerloguen perd le dernier de ses sept enfants, tandis que sa femme sombre dans la folie. Sa foi l’abandonne, tout comme l’humanité qu’il avait en lui. Derrière lui, il laisse sa seigneurie et les lambeaux de sa vie, muni de son incommensurable colère à l’égard de Dieu pour tout bagage.

Six ans plus tard, un navire pirate, Le Sans Dieu, fait régner la terreur sur la mer des Caraïbes. Son cruel capitaine, surnommé L’Ombre, attaque les navires qui croisent en mer, entouré de sa fidèle équipe de flibustiers, hommes sans foi ni loi qui ont renoncé à tout:

Pour Palsambleu, Gant-de-Fer, Fantôme de Nez, Bois-sans-Soif et tous les autres, le passé n’avait plus d’existence et l’avenir n’offrait aucune espérance. Tous étaient devenus des hommes du présent. Dès lors, l’action seule importait, car leur choix de vie n’oscillait plus qu’entre liberté et potence.

Lors du pillage particulièrement sanglant d’un galion espagnol, l’Urca de Sevilla, sur lequel les flibustiers sèment comme à chaque fois la mort, L’Ombre épargne la vie d’Anselme, un père jésuite. Embarqué comme prisonnier sur le brick, le « Padre », qui lui même a parcouru dans sa vie des chemins sombres et douloureux, oppose sa foi au rejet religieux de l’Ombre – les deux hommes ne vont cesser de s’affronter autour de la question de l’existence de Dieu, chacun cherchant à faire renoncer l’autre à ses idées.

Tirons notre courage de notre désespoir même (Sénèque)

Quelle prouesse que cet incroyable roman dans le pur style du roman d’aventures et de piraterie!

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