Les romans d’aventure ont un petit goût d’enfance, telle la madeleine qui ravive un plaisir oublié.
Virginie Caillé-Bastide, dans son nouveau roman Le Sans Maître, confirme son talent pour ce genre devenu rare – et d’autant plus savoureux à lire quand on sature de drame contemporain qui nous ramène trop à nos propres existences.
Côme de Plancoët vit sur les terres de sa seigneurie du nord de la Bretagne, qu’il n’a jamais quittée – Côme est apparenté à Arzhur de Kerloguen, le noble devenu terrible pirate des mers des Caraïbes, dont nous avions fait connaissance dans Le Sans Dieu – mais Le Sans Maître n’est pas une suite du premier.
Jusqu’à cette année 1720, Côme a fait le choix d’une vie solitaire, qu’il consacre à développer son savoir dans les livres d’une fabuleuse bibliothèque à nous faire pâlir d’envie, remplie de livres rares et anciens acquis par ses ancêtres, et en entretenant une correspondance érudite avec de brillants savants européens, où l’échange d’idées progressistes pourraient lui valoir de gros ennuis avec les autorités puritaines et bien-pensantes du royaume. Et Côme de Plancoët, s’il savait qu’un ennemi assoiffé de vengeance complotait contre lui, serait bien plus prudent…
Célibataire endurci, il a confié les rênes de son château à des personnes de confiance qui lui sont particulièrement attachées, comme sa bonne vieille cuisinière Thérèse, le métayer Erwan ou encore le jeune palefrenier Nicolas, qui prend grand soin du fidèle étalon Bucéphale, qui accompagne les chevauchées quotidiennes du jeune seigneur sur son domaine.
La vie de Côme de Plancoët s’écoulerait dans la plus merveilleuse des félicités, d’autant plus qu’il vient de rencontrer son double féminin, une jolie cavalière noble et effrontée, si par un terrible concours de circonstance il ne devait s’enfuir pour échapper à celui qui depuis des années nourrit dans l’ombre une haine tenace à son égard.
crédit photo @Courrier International
Les péripéties et les rebondissements se succèdent, parfois d’une façon rocambolesque qui fait sourire, avec pour cadre merveilleux la campagne sauvage et mystérieuse des terres bretonnes, où un druide aux rituels ancestraux se cache pour mieux sauver ceux qui s’y perdent…
Une haute silhouette émergea du brouillard. Apparut un vieillard chenu, à moitié nu, qui tenait un bâton torsadé à la main. Son corps était svelte, presque étique, mais il dégageait une force irrésistible. La jeune femme le reconnut immédiatement:
– Vous! L’homme qui m’avez sauvé la vie et que je m’évertue depuis deux ans à retrouver!
On retrouve le talent de Virginie Caillé-Bastide à construire des récits campés par des bons (auxquels on s’attache) et des méchants (qu’on espère voir échouer) au caractère bien trempé, dans un cadre historique documenté et entretenu par une plume vive mâtinée de vieux français, pièce maîtresse du charme addictif du roman.
Si addictif que j’aurais aimé voir certaines parties et le rôle de certains personnages un peu plus développés – clairement, il m’a manqué au bas mot une bonne centaine de pages : je serais volontiers restée encore un peu plus longtemps dans l’histoire.
Une petite lueur d’espoir toutefois avec la fin du livre, qui pourrait laisser espérer une suite… que je souhaite du fond du coeur!
Titre: Le Sans Maître
Auteur: Virginie Caillé-Bastide
Editeur: Héloïse d’Ormesson
Parution: mars 2020