J’avais une maison au Danemark…
Imaginons un instant un roman qui serait le pendant d’ « Out of Africa » et qui pourrait s’intituler « Back in Denmark »

Après dix-sept années passées en Afrique, Karen Blixen pousse un jour la porte de la maison de son enfance.
Elle revient contre sa volonté, le coeur brisé: l’amour de sa vie, Denys Finch Hatton, s’est tué dans le crash de son avion.
Elle a dû abandonner sa ferme, ruinée, après l’échec de sa plantation de café malgré un travail acharné et le renfort financier de sa famille. Sa santé est fragile depuis des années – Bror von Blixen, son ex-mari, cousin au second degré et coureur de jupons invétéré, a eu la délicatesse de la contaminer avec sa syphilis à peine un an après leur mariage, et les effets secondaires du traitement ont dégradé sa santé.
La baronne Blixen rentre chez elle. Elle a quarante-six ans, en cette année 1931. Sa mère habite encore Rungstedlund, une vieille auberge que son père a achetée en 1879, six ans avant sa naissance.

C’est dans cette maison, face à la mer et face à la Suède, qu’est née Karen Christentze Dinesen en 1885. Elle a déjà une soeur aînée, une autre soeur et deux frères suivront après elle. Thomas, le plus jeune, deviendra son fidèle confident. Chez les Dinesen, seuls les garçons sont scolarisés. Les filles ont un tuteur à la maison, leur grand-mère et leur tante peaufinent avec rigueur leur éducation. Très tôt, Karen a appris à raconter des histoires à ses soeurs – elle écrit ses premières pièces à onze ans.
Dans les bagages qu’elle ramène d’Afrique, il y a sa petite machine à écrire, une Corona portative.

Sait-elle déjà qu’elle va se remettre à écrire? Elle avait bien tenté, dans sa jeunesse, d’embrasser une carrière littéraire. Mais les contes publiés sous le pseudonyme d’Osceola n’ont pas eu le succès escompté. Depuis toujours, elle s’interroge sur le sens qu’elle doit donner à sa vie. Il est peut-être là, dans sa valise.
Rungstedlund est accueillante, à l’image des derniers souvenirs qu’elle en a gardés avant de repartir pour le Kenya – elle affiche une élégance à la fois simple et aristocratique. Une aura, une histoire familiale, une chaleur aussi se dégagent de ses murs séculaires.
Karen, doucement, en convalescence de son mal d’Afrique, va reprendre ses marques.
Dans cette maison, elle a toujours aimé la cuisine, lumineuse, ouverte sur le grand jardin. Elle y a passé des heures, à lire, lorsqu’elle était enfant. Un jour, cette cuisine aux éléments joliment vert pâle l’inspirera peut-être pour écrire un de ses contes les plus célèbres, Le festin de Babette.
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