Devenir quelqu’un

Devenir quelqu'un de Willy Vlautin éditions Albin Michel

Willy Vlautin, je l’aime pour son style sans prétention et pour ses personnages sombres qui naissent toujours du mauvais côté: des existences à peine entamées et déjà promises à une vie en marge.

Je les aime, ses héros cabossés, même si l’effroi me saisit toujours à un moment de ma lecture, quand ça bascule pour eux et que ça devient vraiment compliqué – alors qu’on pensait qu’ils avaient déjà atteint le degré ultime d’emmerdements que la vie pouvait leur donner.

Horace Hopper ne faillit pas à la tradition des amochés de la vie de Willy Vlautin: indien par son père, blanc par sa mère, il a été élevé un temps par une grand-mère maternelle un peu portée sur la boisson. Avec son physique, qui dans son Nevada natal le fait souvent passer pour un mexicain, Horace n’a pas eu une adolescence facile, et il a dû apprendre à se battre pour rendre les coups qu’il encaissait. 

Pourtant, Horace a une bonne étoile qui brille au-dessus de sa tête: la famille Reed. Le vieux couple le recueille dans son ranch alors qu’il est encore adolescent. Consciencieux, sérieux, attentif, travailleur, il gagne très vite le coeur des Reed ainsi qu’une place au sein de leur famille. Mais Horace a des rêves plus grands que le ranch et ses 200 moutons: il veut quitter Tonopah, au nord de Las Vegas, pour devenir champion de boxe. Alors il rejoint Tucson, dans l’Arizona, pas loin de la frontière mexicaine – parce que c’est là-bas qu’il veut combattre, en se faisant passer pour le mexicain qu’on croit qu’il est depuis toujours. Il s’appellera Hector Hidalgo – un nom brodé en lettres d’or sur son short de combat en satin rouge.

Horace est courageux, Horace en veut, Horace est un battant – alors la solitude de la grande ville, l’indifférence des gens, il est prêt à les encaisser. Comme il sait encaisser les coups sur un ring. Et si Ruiz, son entraîneur, est un type véreux, il s’en accommodera, il n’a pas le choix, il veut devenir un champion.

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Motel Life

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Lorsque j’ai décidé de m’intéresser de plus près à Willy Vlautin, dont je ne connaîtrais probablement pas encore l’existence sans Marie-Claude,  j’ai commandé deux romans d’un coup, sans même avoir de doute un seul instant. Sitôt Plein Nord refermé, j’ai décidé d’enchaîner avec Motel Life – qui est en fait le premier roman de l’écrivain.

Jerry Lee et Franck Flanningan sont deux frères, orphelins de mère et abandonnés par leur père, qui vivent de motel en motel, de petits boulots journaliers en job harassant à la cimenterie de la ville, et passent leur temps libre à descendre des packs de bière et du whisky bon marché. Jerry Lee et Franck sont des garçons gentils, au vrai sens du terme, mais ils sont tirés vers le bas dans leur vie sans repères depuis que leur mère est morte prématurément. L’aîné a continué à travailler, et Franck a finalement très vite arrêté le lycée. Tout pourrait être tranquille dans leur petite vie sans prétention à Reno, malgré l’accident idiot qui un jour a coûté à Jerry Lee un bout de sa jambe, mais lors d’une nuit d’ivresse de trop,  celui-ci renverse avec sa voiture un jeune garçon, qu’il tue sur le coup. Cédant à la panique, il s’est enfui emportant le corps désarticulé du garçon sur le siège arrière de sa vieille Dodge, pour aller chercher de l’aide auprès de son frère Franck.

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Plein nord

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C’est grâce à ma copine Marie-Claude du blog Hop sous la couette ! que j’ai découvert l’écrivain américain Willy Vlautin. Son Willy! J’avais envie de comprendre son engouement, même si je savais déjà que ces histoires-là, ces anti-héros écorchés par la vie, me parleraient.

Il est des romans qui sont des claques – Plein Nord en est une, magistrale et violente.

Allison a 22 ans – cheveux noirs, yeux bleus, et diablement maigre. Elle a au creux des reins deux tatouages, une croix gammée, et le sigle de l’Eglise mondiale du créateur, que son petit ami lui a fait faire un soir de cuite. Allison boit, elle boit tellement qu’elle perd connaissance à chaque fois qu’elle est ivre. Jimmy, son petit ami, la maltraite, la violente, l’attache pour la punir ou l’enferme dans un coffre de voiture. Et l’emmène traîner dans les fêtes des néo-nazis du coin, où l’alcool exacerbe les comportements violents et nationalistes.

Le jour où Allison découvre qu’elle est enceinte, elle décide de fuir Las Vegas et l’insécurité de son quartier, laissant derrière elle sa mère, sa petite sœur et son job de serveuse pour tenter d’échapper à la toxicité de Jimmy et se reconstruire.

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