Est-ce une bonne idée de faire cohabiter Honoré de Balzac et Charlotte Brontë sur une même photo? Charlotte Brontë n’aurait-elle pas trop risqué à rencontrer ce drôle de séducteur?
Soyons tranquilles.
De 17 ans sa cadette, elle n’aurait eu aucun des atouts qui rendait une femme désirable aux yeux d’Honoré : elle n’aurait été ni assez vieille, ni assez riche, ni assez mariée – et certainement pas assez jolie non plus pour Balzac, qui, bien qu’il soit fort laid, n’aimait s’éprendre que de belles femmes.
C’était un jeune homme très sale, très maigre, très bavard, s’embrouillant dans tout ce qu’il disait, et écumant en parlant parce que toutes ses dents d’en haut manquaient à sa bouche trop humide (Alfred de Vigny)
Mais Balzac aimait beaucoup les femmes, dont il s’est beaucoup entouré tout au long de sa courte vie. Et elle le lui rendaient (assez) bien, à commencer par sa pauvre mère (qu’il a rendue responsable, souvent à tort, de son infortune personnelle) et à finir par Eve Hanska, qu’il réussira à convaincre de l’épouser quatre mois avant de mourir… après seize ans de relation longue distance entre adultère et veuvage.
Dans cette petite merveille de biographie délicieusement impertinente, Titiou Lecoq, passionnée de Balzac, nous offre le portrait le plus décalé qui soit – mais certainement, aussi, le plus réaliste: génial optimiste doublé d’un immense poissard, un sens véreux des affaires qui ne l’a jamais empêché de dépenser ce qu’il n’avait pas, fashion addict et décorateur d’intérieur aux goûts de luxe qui ne l’aideront pas à tenter, s’il l’avait vraiment envisagé, d’assainir ses dettes.
Mais avant tout, Honoré de Balzac est un écrivain. Il ambitionne d’avoir très vite du succès pour pouvoir vivre de sa plume – et disons-le clairement: devenir riche. Ecrire pour s’enrichir? Aux yeux des autres écrivains, il désacralise la noblesse de leur métier. Mais lui est parfaitement décomplexé par rapport à sa recherche de succès.
Et comme le succès tarde à venir, Honoré doit bien trouver des combines pour s’assurer un train de vie, empruntant aux uns pour faire des investissements qui l’enfoncent, empruntant aux autres pour rembourser les premiers – ou tout au moins essayer.
La seule constante de sa vie, en dehors de l’écriture, c’est sa ruine.