La Métallo

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La Métallo:  je vous le concède, le titre surprend! Et pourquoi pas « la mécano » ou « la gaucho », pendant qu’on y est? Mais Antonin Varenne, lors de notre rencontre blogueurs au Festival America, avait évoqué, bluffé, la beauté de ce roman et de son écriture. Et vous pouvez me croire, quand un écrivain comme Antonin Varenne vous conseille une lecture, vous avez juste envie de récupérer immédiatement le-dit livre et de vous plonger dedans.

L’histoire d’Yvonnick a elle aussi de quoi surprendre! Oui, la métallo s’est elle. Une ouvrière métallurgiste en jupons, pourrait-on tout de suite ironiser!

Et alors? Pourrait-elle vous rétorquer fièrement en éclatant de rire, la Mézioù.

Oui, en blouse et en jupons – vous en seriez capables, vous, d’aller travailler avec les hommes au laminoir – pas à faire le ménage à côté ou à trier des bouts d’acier à la chaîne, mais de faire le même travail qu’eux, porter les charges, suer au labeur, encaisser sans rien dire les pires corvées de lavage, tout ça en robe et en blouse, oui, parce qu’à cette époque, vous ne le savez peut-être pas, mais les femmes n’avaient pas le droit de porter de pantalons!

Ne cherchez pas mes larmes dans mon histoire, car ici j’ai été heureuse. Je suis rare dans mon espèce, peut-être, oui

C’est lors d’une visite de l’usine J.J. Carnaud et Forges, devenue depuis propriété d’Arcelor Mittal qu’Yvonnick Le Bihan, ancienne ouvrière aux aciéries, se replonge dans ses souvenirs.

Je suis une métallo. La prolo de l’atelier des plaques, le titre pour une vie d’une femme d’acier.

Dans le marais où elle a grandi, aux Moutiers, Yvonnick a musclé ses bras en portant le sel, en coupant les salicornes, pliant son corps aux travaux maraîchers et domestiques – sa mère lui a appris que les bras d’une femme doivent être de fer, musclés pour porter du lourd, musclés pour se défendre.

Elle a vingt ans, et un vacancier lui ravit son coeur et éveille son corps au désir des hommes. Julien Péric est métallo, il l’épouse et elle quitte le marais pour sa minuscule maison en planche de bois à Couëron, près de Nantes. Dans leur cocon, les tourtereaux élaborent les plans de leur avenir. Yvonnick veut travailler, elle deviendra dactylographe. Le travail, il n’en manque pas dans la région, et sitôt sa formation bouclée, elle est recrutée comme assistante secrétaire. Yvonnick ne pourra jamais prendre son poste, car elle accouche subitement alors qu’elle ne se savait même pas enceinte – son corps avait à peine esquissé quelques nouvelles rondeurs. Le petit être qui soudain apparaît dans sa vie n’est hélas pas un enfant comme les autres, mais ce petit Mairobin si fragile, peu importe, est un cadeau du ciel et elle et Julien vont le chérir tendrement. Ils aiment la vie, et Mairobin s’y accroche à cette vie. Cette chienne de vie qui, un matin, peu après, va tuer Julien à vélo sur la route de l’usine. Cette chienne de vie qui, sans aucune forme de compassion, va faire débarquer le patron de Julien chez Yvonnick en lui demandant de quitter la petite cabane en bois… ou alors, peut-être y aurait-il une autre solution. Comme reprendre le poste laissé vacant par son mari bêtement tué par un chauffard sur la route, mais évidemment, pas au même salaire – elle est une femme tout de même, pas un homme!!

Pas un homme? Non, mieux, une femme. Déterminée, galvanisée, qui va tout faire pour gagner sa place et sa légitimité au milieu des rires graveleux de ses collègues masculins.

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