Presque le silence

Presque le silence Julie Estève

La première page est à peine entamée, et déjà le grand chaos a surgi, comme un mythe antique que l’on raconte.

Cassandre a onze ans, c’est un été qui a la saveur du monde sauvage de l’enfance dans le sud chez son grand-père Jean, des vacances au goût éternel de mûres, de confiture. Et Papy Jean meurt, l’enfance de Cassandre se referme.

Au collège, Cassandre est amoureuse de Camille Leygues, et elle n’a qu’un rêve, l’embrasser. Cassandre est rousse, frisée comme un caniche, on dit qu’elle est laide, elle n’a pas d’amis – la seule attention qu’on lui prête, ce sont les brimades. Pourtant, un jour, elle l’embrassera, Camille: le voyant qu’elle consulte un jour en cachette lui affirme. Mais il lui a aussi soufflé, effrayé, cinq prophéties qui vont hanter sa vie. La première annonce le chaos: « le monde s’effondrera en 2023, l’été de tes quarante-deux ans ».

Dans la tragédie moderne, Cassandre n’est plus celle qui annonce les prophéties, elle est celle qui les reçoit.

Dès lors, les années s’égrènent, Cassandre a treize, quinze, dix-sept, dix-huit ans, elle est devenue une fille rousse, sexy, attirante, et sera vétérinaire, comme elle l’avait promis à papy Jean. Et Camille Leygues finit par l’aimer, mais son destin est en marche, et derrière le rideau, la puissance animale grignote peu à peu le monde, insidieuse apocalypse, papillons, chiens, rats, crapauds, cafards, le règne animal s’emballe et assoit sa toute puissance – jusqu’où?

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Simple

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La Corse. Les odeurs du thym et de la marjolaine sauvage imprègnent immédiatement les pages. La lumière crue du soleil les éclaire. 

C’est un village posé au milieu de nulle part, entouré de maquis, de cailloux, d’une forêt et d’un lac. 

Un petit village avec son église, son cimetière, son bar, son épicerie. Et son fou – Il s’appelle Antoine, on l’appelle Anto, mais le plus souvent, c’est le baoul. 

Au village, il connaît tout le monde, mais il n’a pas d’ami. Enfin, plus maintenant. 

Il parle aux objets qu’il entasse dans sa cabane, comme les mots du dictionnaire qu’il collectionne.

A cette chaise cassée, qu’il vient de trouver, jetée au rebut, il va raconter sa vie en la promenant à travers le village. Comment il a tué sa mère en venant au monde. Comme il s’est senti seul quand madame Madeleine, l’institutrice qui a pris le gamin sale et cabossé sous son aile, est morte à son tour. Comment il s’est fait sa place au village, même quand on le traitait de débile ou de putois. Comment il s’est lié d’amitié avec Florence Biancarelli, la plus belle fille du village. Et comment il a pris quinze ans pour son meurtre. Qu’il n’a pas commis. 

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