A Caracas, Adelaida Falcon vient de perdre sa mère, l’autre Adelaida Falcón.
La capitale vénézuélienne est à feu et à sang.
Peut-on imaginer, depuis l’Europe, cette révolution qui a transformé le pays autrefois prospère, riche d’immenses ressources naturelles, tombé dans un chaos économique qui lui donne des allures de pays du tiers monde?
Inflation, corruption, marché noir, le pays crève de faim, les gens meurent parce qu’on ne peut plus les soigner – la vie ne vaut plus rien.
De longues files encombraient les marches de la clinique Sagrario. Des gens brisés et sans expression. Des hommes, des femmes et des enfants qui attendaient leur tour dans l’anti-chambre de l’outre-tombe. Tous étaient maigres, torturés par la faim, murés dans quelque chose de semblable à la rage de ceux qui n’ont pas le souvenir d’avoir un jour mieux vécu.
Lorsqu’elle rentre un jour à l’appartement qu’elle partageait avec sa mère, peu de temps après l’enterrement, Adelaida trouve porte close.
Serrures changées. Logement squatté par un groupe de femmes violentes, les filles de la révolution.
Elle réussit à se réfugier dans l’appartement de sa voisine, Aurora Peralta, son aînée de neuf ans qui elle aussi a perdu sa mère et n’a plus d’attaches familiales au Venezuela. Et pour cause, Aurora est « la fille de l’espagnole » et toute sa famille vit à Madrid.
Quel avenir dans ce pays en ruine, quand on n’a plus rien, ni toit, ni famille, ni argent?
Alors, comme des milliers de personnes, peut-être que la seule solution, c’est fuir.
Et si une chance infime de le faire s’offre à elle, même si cela l’oblige elle aussi à basculer de l’autre côté, qu’a-t-elle encore à perdre?
Nous avions oublié ce qu’est la compassion, parce que nous souhaitions faire payer la rançon de tout ce qui allait mal
Voici un roman qui me laisse un étrange sentiment. Celui de ne pas avoir réussi à l’aimer à la hauteur de ce qu’il mérite. Et je ne saurais dire pourquoi il y a une distance entre la puissance de l’écrit et la froideur de mon ressenti. Çar l’écriture est juste, forte.
C’est un roman de femmes, où les hommes ont peu de place.
Des femmes fortes, qui se battent pour survivre – Adelaida et Aurora, chacune, l’ont appris de leur mère. Des femmes au parcours de vie étriqués, où le plaisir, la beauté n’ont pas de place. Où les hommes n’existent pas – ou plus. Cette absence de tout est oppressante. Tout comme la fragilité que le roman évoque, le basculement d’un pays qui réduit un tout au néant.
A quoi tient la chance d’en échapper? Adelaida Falcón pourrait vous surprendre.
Titre: La fille de l’espagnole (La Hija de la Española)
Auteur: Karina Sainz Borgo
Editeur: Gallimard
Parution: 2019