No home

IMG_9263

Ma première vraie prise de conscience de l’esclavage date de ma classe de 1ère : nous étudiions alors Voltaire et son optimiste Candide, quand nous croisâmes dans les pages du Lagarde et Michard le nègre du Surinam, propriété du « fameux négociant » M. Vanderdendur – l’occasion pour Voltaire de dénoncer dans ce conte philosophique la cruauté de l’esclavage.

Ma seconde prise de conscience vint peu de temps après, la même année, lors d’un voyage en famille au Sénégal. Nous prîmes un matin le bateau à Dakar pour débarquer une heure plus tard sur une île hors du temps, Gorée, symbole de la traite négrière. Là, nous visitâmes le lieu de passage obligé pour cultiver la mémoire de l’esclavage, La maison aux esclaves. Je me souviens avoir éprouvé un sentiment d’une tristesse inouïe avec une intense acuité au récit du gardien, évoquant les cachots au rez-de-chaussée de la maison dans lesquels étaient entassés hommes, femmes et enfants, qui bientôt, en empruntant la porte au fond conduisant vers la mer, traverseraient à bord d’un bateau l’océan vers l’Amérique.

* * *

Dans son premier roman, c’est une histoire de l’esclavage que nous raconte Yaa Gyasi, une fresque historique et puissante qui court sur près de trois siècles, à travers sept générations. Elle commence au dix-huitième siècle dans un village du Ghana, ou Maame, une esclave, va donner naissance à deux filles de deux pères différents, dans des villages rivaux. La première, Effia, sera élevée par celle qu’elle prendra longtemps pour sa mère, avant d’être mariée au gouverneur britannique du fort de Cape Coast, tandis que la seconde, Esi, dont elle ne connaît pas l’existence, sera enlevée et enfermée dans les cachots du fort, exactement au-dessous de là où habite désormais Effia. Esi sera vendue et envoyée vers l’Amérique à bord d’un bateau, et Effia fondera avec James Collins sa lignée métissée. C’est donc sur deux continents que nous allons suivre les destins des deux sœurs et de leur descendance.

Lire la suite