Mauvais joueurs

IMG_6763Voici un roman qui m’a beaucoup fait réfléchir: quel regard porter sur le « modernisme » d’un roman écrit il y a presque cinquante ans?

Si les américains vouent un culte à Joan Didion, la journaliste / écrivaine / essayiste est moins connue en France. L’année de la pensée magique a été pour moi ni plus ni moins qu’une révélation. J’ai aimé poursuivre cette rencontre avec son recueil de chroniques l’Amérique et ce style qui a fait sa réputation, sec, vif, et représentatif de ce New Journalism auquel elle a largement contribué.

Dans Mauvais Joueurs, écrit en 1970, Joan Didion met en scène une jeune femme à la dérive, Maria Wyeth – née à Reno, elle a grandi à Silver Wells, Nevada au gré des gains et pertes de jeu de son père, avant de fuir la vacuité de cette bourgade de vingt-huit habitants pour s’installer à New York. D’abord mannequin, Maria est devenue l’égérie de Carter Lang qui l’a faite tourner dans deux films d’avant-garde. Mais voilà, à 36 ans, pleine de la douleur de ne pas pouvoir élever normalement une petite fille au lourd handicap mental, après un avortement forcé par son mari et un divorce qui se profile, lassée de la décadence du milieu du cinéma, Maria ne connaît plus que le vide, le rien. Rien ne l’accroche plus à l’existence à l’exception des longues heures passées à conduire sur l’autoroute de Los Angeles, sans but et la tête délestée de toute pensée, avant de se coucher le soir en avalant des barbituriques.

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L’année de la pensée magique

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La vie change dans l’instant

L’homme est, et l’instant d’après, il n’est plus.

Le 30 décembre 2003, le mari de Joan Didion meurt, foudroyé par une crise cardiaque.

Ce soir du 30 décembre, Joan et John rentrent chez eux après une nouvelle journée passée au chevet de leur fille Quintana, qui est dans le coma suite aux complications d’une pneumonie. A peine regagné leur appartement de Manhattan, à peine allumé un feu de cheminée, à peine pris le temps de boire un premier whisky avant de passer à table, et John s’effondre sans que Joan comprenne. Cinq minutes pour que l’ambulance arrive, une quarantaine de minutes pendant lesquelles les secouristes vont tenter de le ranimer, cinq autres minutes pour le transporter à l’hôpital – le décès sera prononcé à 22H18. Soudain, après 40 années de vie commune avec son mari John, 40 années au cours desquelles, travaillant ensemble au sein de leur appartement, ils se seront à peine quittés plus de quelques jours, Joan Didion se retrouve seule.

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