« Il faut faire confiance à la colère », nous dit-elle, tandis que nous sommes pendues à ses lèvres ce soir de décembre où elle nous parle de son nouveau roman. Cette colère, Caroline Laurent l’a laissée monter d’aussi loin qu’elle était enfouie, puisée dans la profondeur de ses racines mauriciennes, pour exploser à travers les pages.
Les îles Chagos, perdues dans l’Océan indien, ressemblent à quelques grains de sables jetés sur une carte. Elles seraient insignifiantes si leur emplacement n’était pas stratégique pour tenir à portée de missiles américains quelques pays sous surveillance: dans le plus grand secret, Washington a négocié avec Londres, pour aboutir en 1966 à un traité qui mettrait l’île de Diego Garcia à disposition des Etats-Unis pour cinquante ans…
Tandis que l’île Maurice cheminait vers l’indépendance qui sonnerait le glas de la domination britannique en 1968, l’archipel des Chagos, en échange d’une compensation financière pour l’île Maurice, était détaché du futur gouvernement indépendant.
Quelques années plus tard commence alors sans prévenir la traumatisante expulsion des Chagossiens vers Maurice.
Marie-Pierre Ladouceur n’a connu que la simplicité de Diego Garcia, paradis blanc isolé au milieu du lagon. Des journées remplies de labeur à couper, faire sécher, écaler les cocos, une vie frugale où l’on se contente du peu que l’île donne, et où l’arrivée du bateau qui amène les denrées introuvables ici est un jour de fête pour tous les îliens.
Le jour où le Sir Jules débarque, en plus des habituelles victuailles, un jeune et beau Mauricien venu seconder l’administrateur colonial, l’existence de Marie-Pierre est bouleversée – celle de Gabriel, ce nouvel arrivant, ne sera plus jamais la même non plus. Le jeune homme blanc et la jeune fille noire enchevêtrent inextricablement leurs vies, malgré les trahisons, les injustices et le déracinement de Diego Garcia qui seront autant d’obstacles à la possibilité du bonheur.