Confusion

Confusion
Elizabeth Jane Howard

Avec la sortie de ce troisième volume de la saga des Cazalet en un an, on peut légitimement se poser la question: est-ce qu’on ne finit pas par s’en lasser? 

Alors je tiens immédiatement à vous rassurer: non, bien au contraire!!

Il y a un an, j’avais la chance infinie de découvrir cette saga en début de confinement – je suis persuadée que les Cazalet auront rendu cette période plus douce.

Est-ce une coïncidence si, un an plus tard, j’ai débuté ce troisième confinement avec le troisième volume de la saga?

Confusion démarre en mars 1942, juste après l’évènement qui nous a brisé le coeur à la fin d’A rude épreuve (je marche sur des oeufs pour ne pas trop en dévoiler…). 

Le rythme de cette suite, comme la précédente, s’articule autour des trois cousines Louise, Polly et Clary, ainsi que de la famille. Louise, à peine mariée et jeune maman, perd ses illusions sur le bonheur conjugal et la félicité maternelle – d’autant plus que son mari, engagé dans la marine, préfère largement passer ses permissions auprès de sa mère Zee, dont l’emprise est de plus en plus troublante. 

« Louise savait, à présent, que le véritable problème était que Zee n’aimait pas les femmes en général, ce qui, d’une certaine façon, était plus embêtant que si elle n’avait pas aimé sa bru en particulier ».

Polly et Clary s’émancipent, et quittent enfin Home Place pour avoir une vie de jeunes londoniennes – malgré la guerre, qui rend la vie « atrocement déprimante » selon Clary. Mais finalement, sont-elles encore capables, après plus de trois ans, de se souvenir de ce qu’était la vie avant la guerre? 

Les Cazalet, égaux à eux-mêmes, continuent à avancer dans l’adversité, armés de leur bonne éducation, courageux, mais entretenant toujours leurs petits secrets et de grands silences.

A quoi tient le talent d’Elizabeth Jane Howard, qui réussit encore à nous tenir en haleine?

Il y a bien évidemment l’extrême finesse psychologique de ses personnages – elle nous fait pénétrer dans leurs pensées, de manière à nous sentir toujours infiniment proches d’eux. Elle nous offre par ailleurs toujours d’autres perspectives, par le jeu des regards croisés, qui permettent d’en apprendre plus des personnages selon les angles où on les voit.

Il y a aussi ce regard percutant sur une époque qu’aucun écrivain contemporain ne pourrait certainement restituer de la sorte: E. Howard Jones en a été témoin, ce n’est pas un récit né d’une recherche documentaire mais d’une expérience personnelle, qui se ressent dans le détail du quotidien de ces vies, et particulièrement dans tous ces détails du quotidien de Londres pendant la guerre, puisque c’est ici que la plus grand partie du roman se déroule cette fois-ci.

Mais la plus grande qualité de l’auteure, outre l’élégance de son style, n’est-elle pas celle de réussir à créer un lien entre ses personnages et ses lecteurs au fil des volumes et de leur évolution?

Bien entendu, le roman explore inlassablement le thème de la condition des femmes, et les évolutions que l’on sent pointer: d’abord observée du point de vue des mères et de leur enfermement dans leur éducation, on sent poindre chez leurs filles un besoin d’émancipation et une pensée féministe.

« Je doute que les femmes soient autorisées à occuper des postes intéressants, avait objecté Clary. Elles ont le droit de se faire tuer à la guerre, mais pas celui de tuer elles-mêmes. Une injustice de plus.

– Tu sais pertinemment, Clary, que tu aurais horreur de tuer quelqu’un.

– La question n’est pas là. La question, c’est que si les femmes avaient la même responsabilité que les hommes s’agissant de guerre, il n’y aurait sans doute pas de guerre. Voilà mon avis. « 

Tandis que « Confusion » avance dans la guerre, le roman aborde des thèmes historiques d’une grande gravité, qui donnent au récit des moments particulièrement douloureux, qui vont profondément bouleverser la vie des uns ou des autres. 

Les personnages gagnent encore en profondeur, certaines situations semblent se transformer en impasses inéluctables, et bientôt le glas d’une époque va sonner… Tourner la dernière page est un déchirement réel, tant on s’est attaché aux uns et aux autres. D’autant plus qu’il faudra maintenant attendre un an avant de pouvoir lire la suite…

Traduction: Anouk Neuhoff

Titre: Confusion (The Cazalet Chronicles Vol.III)

Auteur: Elizabeth Howard Jones

Editeur: La Table Ronde

Parution: mars 2021

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