Le Portrait de mariage

couverture du livre Le portrait de mariage

Jusqu’où ira Maggie O’Farrell? A chaque nouveau roman, elle place la barre toujours plus haut.

Dix romans depuis l’an 2000, et un talent qui ne cesse de grandir, de mûrir, de gagner en surprise, en puissance, en magnificence.

Avec Hamnet, elle s’était essayée avec succès à son premier roman historique, elle s’y installe avec maestria à travers « Le Portrait de mariage », qui est un énorme coup de cœur, de ces coups de cœur qui me suivent des jours et des jours, tant je ne cesse de ressasser l’histoire et ses rebondissements, et tant je ne cesse réfléchir au travail d’écriture et de création littéraire de Maggie O. 

Elle nous emmène à Florence, au XVIe siècle, au cœur des légendes de la famille de Médicis. 

La jeune Lucrèce a été mariée au duc de Ferrare, Alfonso II d’Este – elle n’a que 12 ans lorsque le mariage est conclu avec le duc qui en a alors 24, remplaçant au débotté la fiancée morte prématurément, sa soeur Maria… Lucrèce est l’enfant du milieu d’une grande fratrie, solitaire, étrange, à l’imagination féconde et à la sensibilité extrême. Trois ans plus tard, au terme d’une journée de mariage opulente, la nouvelle duchesse de Ferrare quitte Florence pour sa nouvelle vie d’épouse. Et de future mère. Elle est la fille de la « Fecundissima », et son époux place tous ses espoirs en elle.

Un an plus tard, elle mourra…   

C’est dans ce compte à rebours vers une mort qu’elle sent venir de la main de son mari, un homme particulièrement violent, que nous faisons connaissance avec la jeune fille, aux prises avec les humeurs bipolaires d’Alfonso d’Este. 

Au contact de l’eau salée sur la peau de sa main, sa colère s’envole comme les nuages s’écartent pour laisser place aux rayons du soleil. La fureur sur son visage s’efface, remplacée par une expression d’indulgence. Son autre main se lève pour épouser sa joue. Il essuie ses larmes du bout de son pouce. Il semble être redevenu lui-même, tout à coup, comme s’il était inexplicablement métamorphosé, l’espace d’un moment, en un monstre irascible, acharné, caché dans un corps d’homme, un diable en col et manchettes. Mais à présent, la bête est partie: Alfonso est revenu.

De sa naissance au jour funeste où elle sait ses dernières heures comptées, Maggie O’Farrell a donné vie, intensément, à ce personnage dont on sait si peu. Avec grâce, audace et imagination, c’est une figure inoubliable qui se dessine à travers les pages, entourée d’une escorte de personnages tout aussi fortement incarnés – les parents de Médicis, qu’elle a choisi de représenter en couple fusionnel, la vieille nourrice napolitaine Sofia, la jeune servante Emilia, les hommes de main Vitelli ou Baldassare, et bien sûr, l’insondable Alfonso, Janus tantôt attendrissant, tantôt monstrueux.

Dans ce roman à la construction impressionnante, O’Farrell reconstitue avec force détail ce théâtre de la Renaissance florentine, animant les palais et leur cour, ouvrant les maisons, enfermant dans les forteresses. Et comme le titre du roman l’indique, elle place l’art au centre de l’histoire, avec ce portrait de mariage pour lequel Lucrèce va poser pour l’artiste Sebastiano Filippi.

O’Farrell a l’art de nous immiscer dans l’intime en pudeur, de créer ces infimes détails qui créent les fulgurances. On devine le labeur impressionnant, tant dans les recherches historiques que dans l’écriture, derrière cet extraordinaire portrait de femme. C’est éblouissant de beauté, de puissance, d’émotion, et de justesse. Du grand, du très grand Maggie O’Farrell.

Traduction: Sarah Tardy

Titre: Le Portrait de mariage

Auteur: Maggie O’Farrell

Editeur : Belfond

Parution: août 2023

6 réflexions sur “Le Portrait de mariage

    1. Je ne sais plus si tu as lu d’autres romans de Maggie O’Farrell, mais pour aborder I am I am I am, qui est un récit très personnel, je pense qu’il est bien de connaître ses romans. Mais je dis peut-être ça parce que cette lecture me faisait un peu peur et que j’ai reculé devant un certain temps…

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