La femme au renard bleu

couverture du livre La femme au renard bleu

A Tromsø, une ville tout au nord de la Norvège, dernier bastion avant l’archipel du Svalbard et ses expéditions polaires, Wanny Woldstad est une jeune veuve de 39 ans. Casquette sur la tête, elle sillonne les rues de la ville à bord du taxi qu’elle a acheté – Wanny est une femme indépendante. Devant le Mack Ølhallen, bar réservé aux hommes dans lequel aucune femme n’oserait entrer, elle attend celui qu’elle espère convaincre de l’emmener avec elle pour sa prochaine expédition: le trappeur Anders Sæterdal.

Nous sommes en 1932, et ceci est une histoire vraie. Wanny aime la nature autant qu’elle aime la lutte qu’il faut y mener pour survivre. Elle a appris à manier le fusil assez bien pour convaincre le trappeur aguerri qu’est Sæterdal: il accepte de la prendre pour coéquipière. Ensemble, ils vont embarquer pour un hiver arctique, avec pour seul but la chasse: la traque des proies qui les alimenteront eux et leurs chiens de traineau au quotidien, mais qui permettront aussi de garnir les pièges disséminés dans la neige – et dans lesquels viendront mourir les animaux polaires, convoités pour leur chaude et magnifique fourrure: les ours et, surtout, les renards. Ces petits renards au poil blanc, dense et soyeux dont les peaux se vendent une fortune. Et parmi eux, parfois, se glisse un extraordinaire à la robe aussi rare que convoité: le renard bleu…

Avec une force d’évocation incroyable, Robyn Mundy dépeint ces journées d’hiver arctique aussi routinières qu’uniques: les dures marches d’un point à l’autre de leur territoire de chasse pour relever les pièges, la longue nuit polaire, les aurores boréales et cette sensation étrange et extraordinaire d’être seuls au monde. 

Wanny Wolstad

En parallèle, le roman nous offre le spectacle grandiose de la nature à hauteur de renards blancs et bleus, et de leur lutte implacable pour survivre à la famine de l’hiver. Avec leurs yeux, nous observons le cycle de la vie, les luttes fratricides, tandis qu’autour d’eux les phoques, les ours, et les galopèdes sont aussi les proies des trappeurs. La présence attentive de Wanny va particulièrement éveiller l’attention d’une petite renarde bleue plus futée que les autres.

Bien évidemment, les scènes de trappe (dépeçage inclus) ne nous sont pas épargnées, dans toute l’ambivalence des émotions vives qu’elles suscitent. De même que les débats qui opposent Wanny et Anders, qui ont chacun une conception de cet âpre combat de survie avec la nature.

Ce qui surprend dans ce roman, c’est la douceur et la quiétude qui se dégagent de cette grande aventure aux confins du monde: la présence d’une femme, aussi trappeur soit-elle, apporte une domesticité à la vie dans la cabane – et tous ces détails, la cuisine, l’entretien, le confort et l’attention apportée aux détails du quotidien sont traités avec autant d’importance que le reste du récit. C’est ce qui le rend d’autant plus captivant. En s’émancipant du rôle assigné aux femmes, Wanny n’en reste pas moins une femme qui aime aussi le rôle qu’elle joue à ce niveau.

Ce roman pourrait être le pendant féminin de « L’Odyssée de Sven » de Nathaniel Ian Miller – j’ai un goût prononcé pour ces romans d’aventures d’une autre époque, et j’ai été particulièrement touchée par cette lecture. Tissé de délicatesse et servi par un sens de l’observation particulièrement affuté (Robyn Mundy a effectué plusieurs hivernages en Arctique) « La femme au renard bleu » est un roman d’une grande beauté, qui nous offre le portrait sensible d’une femme hors du commun qui a su faire sa place avec intelligence et pugnacité dans un monde d’hommes.

Traduction: Elodie Coello

Titre: La femme au renard bleu

Auteur: Robyn Mundy

Editeur: Paulsen

Parution: 2024

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