L’Ecart

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J’ai vécu sous le regard d’un ciel immense, dans un espace infini. Pourtant, je me heurtais sans cesse aux confins de l’île et de la ferme

A dix-huit ans, Amy Liptrot quitte l’île des Orcades au Nord de l’Ecosse, où elle est née et a grandi.

L’île est trop petite pour ses rêves, trop calme pour l’action.

A Londres, où elle s’installe, dans le confinement d’une chambre d’étudiante, le bouillonnement de la ville donne matière à son exaltation, et Amy est emportée dans le tourbillon des soirées où l’alcool devient le complice toxique de ses débordements, et l’ivresse sa seconde nature.

Aspirée dans la spirale de l’alcoolisme, la frasque de trop la mènera vers la cure de désintoxication quelques années plus tard.

C’est ce retour à soi dans le renoncement à l’alcool, qui chaque jour est un nouveau combat, qu’Amy Liptrot livre dans L’Ecart.

L’Ecart, mot magnifique à double sens, qui désigne le pâturage le plus éloigné de la ferme, sis sur une bande de terre côtière où les brebis et les agneaux passent l’été – mais aussi la fuite.

Celle d’Amy qui va rebrousser chemin, et retrouver ses Orcades natales pour tenter de renaître à la vie, et se purifier au contact de la nature salvatrice.

Aidant un premier temps son père dans la ferme familiale, elle redécouvre la magnificence des îles, la nature omniprésente, les vents qui soufflent, la lande, la mer, les oiseaux – que, bientôt missionnée par la Société royale de protection des oiseaux (RSPB),  elle va patiemment dénombrer.

C’est sur l’île de Papay, isolée pour l’hiver, que la quête introspective va prendre tout son sens. Dans la solitude de l’île où elle loue une maison au confort spartiate, Rose Cottage, se nourrir, se chauffer sont des défis quotidiens simples qui raccrochent à la vie.

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Rose Cottage, île de Papay (credit photo @amyliptrot)

Je suis en quête de sensations qui me donnent l’impression de vivre plus fort

Cette quête qui l’a menée à l’alcool, c’est maintenant dans la puissance de la nature qu’elle s’exerce. Cette puissance donne la mesure aux aspirations d’Amy, forte personnalité, hyper active, toujours à la recherche d’un sens, une intrépide qui n’a peur de rien.

Amy Liptrot est une chercheuse, jamais tranquille, qui décortique tout ce qui peut l’aider à avancer.

L’observation de la nature, des marées, des ciels nocturnes, des aurores boréales donne tout l’espace nécessaire pour aller au devant de son insatiable curiosité.

Amy a besoin d’addictions pour vivre, oui.

Mais le shoot d’alcool peut se remplacer par les bains dans la mer glacée.

La plongée en eaux profondes est une expérience totalement inédite pour moi. Sous l’eau, je découvre un nouvel univers qui stimule mes idées et mes sens, et vient bousculer ma routine quotidienne. En revenant de la plage, euphorique et revigorée, je brûle d’envie de raconter au plus vite ce que j’ai vu, ce monde étrange et méconnu, si voisin du nôtre, dissimulé à quelques mètres de nos ponts et de nos parkings

Son récit est comme un journal intime – d’ailleurs, elle en a écrit beaucoup – sans filtre.

Et d’une profondeur fascinante, tant dans sa quête personnelle obsédante qui consiste à comprendre d’où vient son addiction, que dans les descriptions de la nature environnante avec laquelle elle fait littéralement corps – Amy Liptrot nous fait une démonstration grandiose de « nature writing ».

Ses descriptions des paysages de l’archipel écossais donnent la pleine mesure de leur puissance sauvage.

Non loin de Papay, sur Rusk Holm, un îlot rocheux inhabité, des hommes ont taillé des marches dans le roc et bâti une tour munie d’un escalier en spirale, afin de permettre aux moutons installés là de se réfugier au sommet de la tour en cas de tempête. Ces animaux intrépides ont appris à gravir les marches et savent se protéger quand les vagues risquent de les emporter. Aujourd’hui Rose Cottage et Papay sont pour moi ce que Rusk est pour le troupeau de l’îlot: un refuge où respirer l’air du large tout en regardant tourbillonner les vagues en contrebas.

L’Ecart n’est pas seulement le récit d’un parcours vers l’abstinence, c’est aussi une ode à la nature, dans laquelle Amy Liptrot a investi son bouillonnant talent.

Je vous invite également à relire ici l’article sur la rencontre avec l’auteure, organisée par les éditions Globe le 12 juin 2018

★ ★ ★ ★ ☆

Titre: L’Ecart (The Outrun)

Auteur: Amy Liptrot

Editeur: Editions Globe

Parution: Août 2018

5 réflexions sur “L’Ecart

    1. Merci Eléonore! Ce que j’en dis est tellement peu par rapport à l’intensité de ce récit. Ce n’est pas pour rien si ce livre a reçu deux prix depuis sa sortie en Grande-Bretagne en 2016, notamment une récompense pour création littéraire en Nature Writing (Prix Wainwright). Je te souhaite une excellente lecture à venir!

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