L’arche dans la tempête

photo du livre L'arche dans la tempête d'Elisabeth Goudge

« Island Magic » est le titre original de ce roman publié en 1934 écrit alors par une toute jeune Elizabeth Goudge.

Cette île magique, c’est Guernesey, solide rocher pris dans les brisants des îles anglo-normandes, l’endroit-même où Victor Hugo, écrivain exilé, vécut pendant quinze ans. 

C’est à peu près à cette époque que l’histoire se passe, en 1888.

L’arche dans la tempête, c’est Bon Repos, la ferme des du Frocq, située nez au vent sur la falaise, dans un paysage spectaculaire et sauvage sculpté par les déferlantes de la Manche.

André du Frocq, jeune homme idéaliste, amoureux de la terre, a contrarié les desseins de son médecin de père, en venant s’y installer avec sa femme Rachel.

Bon Repos lui faisait l’effet d’une arche perdue sur l’immensité des flots, entourée, dans les ténèbres, de dangers inconnus, harcelée par d’horribles vagues, enfouie sous le brouillard 

Mais André n’est pas fait pour cultiver la terre, c’est seulement l’idée de vivre au contact de la terre qui lui plaisait. Il l’a compris trop tard, et il va devoir se résoudre à quitter la ferme, retourner vivre en ville avec sa femme et leur cinq enfants.

Rachel, jeune fille sauvage et indisciplinée devenue « cette femme pleine de grâce et de courage », main de fer dans un gant de velours, est la véritable maîtresse de Bon Repos, et elle ne peut se résigner à devoir quitter le domaine qu’elle aime tant.

Un jour de naufrage comme il en arrive souvent dans cet archipel aux récifs dangereux , la famille accueille l’un des rescapés, un homme ténébreux au visage balafré, Ranulph Mabier. Rachel avait eu la vision de cet inconnu dans un rêve.

Un visage laid aux traits rudes, à l’expression dure et fermée (…); une longue cicatrice en travers d’une joue et une touffe de barbe grise en désordre qui donnait un air encore plus sauvage aux étranges yeux jaunes

Installé à Bon Repos, l’homme gagne petit à petit l’amitié des enfants, qui, n’ayant pas de famille, le considèrent vite comme leur oncle. Rachel, elle aussi, recherche la présence de cet homme mystérieux, qu’une vie à explorer le monde a rendu solide et toujours de bon conseil. Seul André continue de considérer l’étranger avec suspicion. Mais les mois passent, et Ranulph s’installe chaque jour davantage dans la vie de Bon Repos. Représente-t-il une menace, comme le ressent André, ou est-il au contraire bienveillant?

J’avais en tête l’atmosphère des romans de Rebecca du Maurier en démarrant ce roman. Mais à mi-chemin, j’ai compris que je faisais fausse route. Le voile brumeux se lève peu à peu sur le roman, révélant la véritable intention de l’autrice, une histoire sur les mystérieux liens qui unissent les êtres et la recherche de la rédemption.

Pour de multiples raisons, j’ai adoré ce roman, même si, il faut l’avouer, certains côtés paraissent à la fois naïfs et désuets.

J’ai d’abord été conquise par la fraîcheur de la langue, alors que la traduction du roman date de sa parution française chez Plon, en 1938. Elizabeth Goudge insuffle à merveille dans son récit le pouvoir évocateur de la nature et la force des éléments de cette contrée anglo-normande, sauvage et hostile les jours de tempête, quand les vagues battent au pied des falaises. L’écrivaine retranscrit la beauté de  Guernesey avec la précision de quelqu’un qui la connaît – elle y a effectivement passé de nombreux étés chez ses grands-parents maternels et elle a été bercée par les légendes que sa mère, native de l’île, lui racontait enfant.

Il y a dans « Island Magic » les pouvoirs surnaturels des sentes de l’île, et les légendes peuplées de sargousets qui sont comme des talismans pour les du Frocq, et ouvrent la porte à de merveilleuses histoires aux cinq enfants de la famille. Ici, « les fées et les démons, comme les anges, s’assemblent dans les sentiers, les ruisseaux et les cours de ferme ». 

Les enfants du Frocq sont merveilleux de drôlerie et de candeur – Elizabeth Goudge polit avec charme, précision et humour chaque personnage, chaque caractère, avec une mention particulière pour le petit Colin, seule garçon de la fratrie. 

On s’attache à ce couple amoureux qui joue aux paysans, André « idiot mélancolique et sentimental » et Rachel, femme forte et mère éprouvée dans sa chair par le deuil des trois autres enfants qu’elle a perdus.

Mais bien sûr, assez rapidement, l’histoire se dessine un peu trop facilement, entre les forces du bien et les forces du mal. On peut aussi s’ennuyer de son (petit) côté religieux, inhérent toutefois au contexte historique, et de l’agitation philosophique de Michelle, la fille aînée.

Cela n’enlève pour autant rien au charme de cette arche, qui m’a emmenée vers un très beau voyage sur cette île chère à mon cœur.

Lu dans une édition Livre de Poche de 1964, le roman est disponible aux éditions Libretto (dans la même traduction)

Traduction: Madeleine T. Guéritte

Titre: L’arche dans la tempête (Island Magic)

Auteur: Elizabeth Goudge

Edition : Plon / Livre de Poche / Libretto

Parution: 1938

2 réflexions sur “L’arche dans la tempête

  1. J’ai d’emblée pensé à une ambiance à la du Maurier moi aussi ! Bon, ce n’est pas le cas et le roman semble avoir ses travers mais j’ai bien envie de le découvrir. J’espère le trouver assez facilement (mais je prends mon temps, j’ai déjà beaucoup à lire). Merci pour la découverte 🙂

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