Dans la forêt

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Est-ce que la guerre, qui fait rage quelque part au loin, est la cause de cet effondrement du pays ? Est-il lié à des débordements anarchistes, politiques, sociaux, économiques ? Ici on apprend qu’un groupe a fait sauter le Golden Gate Bridge, là que c’est la Maison Blanche qui brûle, tandis que le Mississipi a quitté son lit, qu’un séisme en Californie a provoqué la fusion du cœur d’un réacteur nucléaire, et que les écoliers se tirent dessus…

On ne le saura pas vraiment, mais ici en Amérique, la civilisation s’est effondrée. Plus d’électricité, plus d’essence, plus de journaux, plus d’argent, plus de nourriture, plus de médicaments. Rien sinon le néant. Les hommes ont déserté les villes, d’autres sont venus prendre leur place dans les maisons laissées inhabitées. La rumeur dit qu’il y a des maladies, qu’on en meurt aussi. La rumeur est la seule chose à laquelle on peut encore se fier, si tant est qu’elle reste une rumeur…

Loin de tout, dans la maison de la forêt où elles ont grandi et où elles se sont retrouvées seules à la mort de leurs parents, Nell et Eva ont décidé de survivre. Que leur reste-t-il sinon vivre côte à côte, jour après jour, et compter l’une sur l’autre, se nourrissant des réserves emmagasinées? Au cours de ces journées qui se succèdent et se ressemblent, Nell la narratrice continue à lire espérant un jour intégrer Harvard, et sa sœur ainée Eva continue de danser avec discipline et sans musique.

 Même se disputer est un luxe qu’on ne peut pas se permettre quand sa vie entière a été réduite à une seule personne

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S’interrogeant sur leurs espoirs d’un retour à leur vie d’avant, mais aussi sur la possibilité du renoncement, quel sera leur cheminement dans ce nouveau monde sans repères ? est-ce que la forêt qui fut leur refuge depuis leur plus tendre enfance saura, telle une matrice nourricière, les accueillir en son sein ?

 depuis que tout a commencé, nous avons attendu d’être sauvées, attendu comme de stupides princesses que nous vies légitimes nous soient rendues. Mais nous n’avons fait que nous berner nous-mêmes, que jouer un autre conte de fées.

Et si le but de ce roman était de nous ramener aux origines du monde en ces temps incertains, nous faire voir l’essentiel à travers une prise de conscience sur notre mode de vie, notre surconsommation, dans un rapport à la nature négligé ?

 Avant j’étais Nell et la forêt n’était qu’arbres et fleurs et buissons. Maintenant, la forêt, ce sont des toyons, des manzanitas, des arbres à suif, des érables à grandes feuilles, des paviers de Californie, des baies, des groseilles à maquereau, des groseilliers en fleurs, des rhododendrons, des asarets, des roses à fruits nus, des chardons rouges, et je suis juste un être humain, une autre créature au milieu d’elle

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Difficile de classer ce roman puissant, poétique et onirique. Ecrit il y a une vingtaine d’années (mais publié en 2017 en France par les éditions Gallmeister) il pourrait se passer aussi bien maintenant que dans un futur plus ou moins proche.

S’apparentant à la fois au roman d’anticipation et au roman d’apprentissage, il porte haut les couleurs du nature writing. Difficile de se détacher de ses héroïnes Nell et Eva en refermant ce livre, tant on a éprouvé avec elle la force de leur lutte, de leurs interrogations.

Est-ce que Jean Hegland a écrit ce roman pour dénoncer la société actuelle et ses débordements et amener son lecteur à une prise de conscience ?
On ne peut que s’interroger à notre tour sur l’éventualité d’une telle chute de notre civilisation…

A propos de l’auteur : inconnue jusqu’à présent en France, Jane Hegland est née en 1956 aux Etats-Unis. Après avoir enseigné un temps, elle se consacre maintenant à l’écriture et à l’apiculture. Elle a publié plusieurs autres romans aux Etats-Unis, parmi lesquels The life withing (1991), Windfalls (2004),Still Time (2015)

Titre : Dans la forêt (titre original : Into the Forest)
Auteur : Jean Hegland
Editeur : Gallmeister
Parution : 2017

4 réflexions sur “Dans la forêt

  1. J’ai trop hâte d’aller à la rencontre d’Eva et de Nell.
    J’ignorais que le roman avait été écrit il y a une vingtaine d’années. Tu me l’apprends.
    Je l’ai commandé, mais avant qu’il arrive au Québec, je patiente!
    Je suis si fière de toi. Ton blogue est une perle. Et d’avoir appris en si peu de temps! Je suis heureuse de t’avoir encouragée à faire le saut!

    Aimé par 1 personne

    1. Marie-Claude, tes mots me comblent de joie. J’ai encore tellement de chemin à faire, surtout quand je vois ce que tu fais toi, ma référence absolue en matière de blog et d’instagram. Tu me remplis de fierté. Mille mercis pour tes encouragements qui me sont précieux!

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