Le dimanche des mères

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C’est dans une ambiance à la Downton Abbey que nous transporte ce court roman de Graham Swift.

Imaginez plutôt : 1924, dans la verdure du comté du Berkshire, dans le Sud de l’Angleterre, des noms de maisons qui résonnent d’un charme tout anglais: Henley, Beechwood, Upleigh. Des familles aristocratiques ou issues de la grande bourgeoisie, de belles demeures familiales, où on a renvoyé la plus grande partie du personnel, où les chevaux sont remplacés par des voitures. Ici et là, les familles ont perdu des fils à la guerre, mais continuent la tête haute comme l’exige leur rang.

En cette journée de mars, c’est le Dimanche des Mères : les employeurs octroient à leur personnel cette journée annuelle de congés pour qu’ils puissent rendre visite à leur famille. Jane Fairchild, jeune bonne au service des Niven depuis plusieurs années, hésite sur la façon dont elle occupera cette journée : orpheline, n’ayant personne à qui rendre visite, peut-être profitera-t-elle de cette journée particulièrement chaude et ensoleillée pour faire une balade à vélo ou lire, tout simplement ? Car Jane a découvert l’amour de la lecture, l’amour des mots, encouragée par l’indulgence de son employeur. Mais l’appel téléphonique de Paul Sheringham coupera court à ces projets : fils d’une grande famille amie des Niven, il entretient depuis de nombreuses années une liaison avec Jane, liaison à laquelle ses fiançailles avec une riche héritière vont devoir mettre un terme.
Alors en ce dimanche où privées de leur personnel ces familles préfèrent déserter leur maison, Paul Sheringhan invite chez lui sa jeune maîtresse pour une ultime rencontre, avant d’aller rejoindre sa fiancée, et offrant à Jane restée seule la liberté de flâner quelques heures dans la maison abandonnée.

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Dans ces heures suspendues, le corps chargé d’amour, Jane erre, sensuelle et nue de pièce en pièce dans la demeure des Sheringhan, sans savoir que ce jour changera à jamais sa vie. Mais les fondations de son destin sont là, déjà, vibrant en elle lorsqu’elle pénètre la bibliothèque de la maison.

Normalement, on ne devait entrer dans les bibliothèques, oui, surtout dans les bibliothèques, qu’après avoir discrètement frappé à la porte, même si, à en juger par celle de Beechwood, il n’y avait personne la plupart du temps. Cependant, même sans personne à l’intérieur, elles pouvaient vous donner l’impression plutôt désobligeante que vous n’aviez rien à y faire. Une bonne se devait toutefois de l’épousseter

C’est un destin de femme que Graham Swift nous offre ici, un portrait de femme qui depuis toujours a son destin en main, voyant dans l’abandon subi à sa naissance une chance extraordinaire qu’on lui a offerte. Jane a un de ces caractères forts et trempés, qui permettront à certaines femmes de s’émanciper bien avant les autres.

Comment devient-on écrivain, ou peut-être même comment naît-on écrivain, c’est cette réflexion que mènera Graham Swift à travers les mots et l’histoire de Jane. Et c’est une réflexion passionnante, qui donne toute sa dimension à l’histoire. Jane qui aime les romans d’aventures, qui dévore les mots, et qui découvre Joseph Conrad en ce fameux Dimanche des mères, écrivain qui sera un élément fondateur de sa vocation.

 Franchir une barrière impossible, n’était-ce pas ce qu’elle devait faire pour devenir écrivain ? Elle aussi aurait à dépasser cet obstacle, aurait à trouver un langage, bien qu’elle en possédât un, car trouver un langage, trouver le langage, c’était, comme elle finirait par le comprendre, l’essentiel de l’écriture.

Seul petit bémol à ce roman, l’écriture de Graham Swift m’a parue assez dénuée de charme, se concentrant sur le récit, les allers retours entre les époques. Mais elle a certainement adopté le port altier et le ton protocolaire de cette aristocratie sur le déclin, car ces années 20 ne laissent pas encore présager les grands bouleversements que connaîtra le vingtième siècle.

Titre : Le Dimanche des mères (Mothering Sunday. A romance)

Auteur : Graham Swift

Editeur : Gallimard

Parution : 2017

4 réflexions sur “Le dimanche des mères

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