Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla

IMG_9402Certains auteurs écrivent pour écrire.

D’autres écrivent pour être lus. Jean-Christophe Rufin fait partie de ceux-là. 

Et c’est très certainement son secret pour savoir insuffler le romanesque à ses histoires. Ou l’un de ses secrets. Car lui-même, homme aux vies multiples (médecin, diplomate, académicien – et montagnard reconverti) n’a rien à envier aux héros de la littérature qui ont nourri son appétit de lecteur.

Dans Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, son nouveau roman qui se déroule sur un demi-siècle, l’écrivain se sert de la trame historique pour revisiter les souvenirs. 

Le narrateur (est-ce l’auteur lui-même ou un personnage fictif – vous serez probablement tentés de vous pencher sur les sources d’internet pour savoir ce qui est vrai ou ne l’est pas) donc, se penche sur ses souvenirs, attachés à un homme et à une femme qu’il a connus, Edgar et Ludmilla. 

Deux êtres exceptionnels dans la grande aventure de la vie et de l’amour.

Edgar, parti de rien, débrouillard, intelligent, autodidacte qui va créer un empire financier – et Ludmilla, jeune fille sauvage et déterminée, qu’Edgar va revenir chercher après en être tombé éperdument amoureux lors d’un voyage rocambolesque en Russie à la fin des années 50 et qui deviendra une immense cantatrice.

Le retour d’Edgar et Ludmilla en France marque le début d’une nouvelle vie pour les deux jeunes gens qui ne se connaissent pas mais doivent apprendre à s’aimer malgré les obstacles: la langue (Ludmilla ne parlant pas français), l’argent qui manque et l’extrême pauvreté qui en découle. Ainsi commence le premier mariage, et bientôt le premier divorce des deux personnages – qui ne sauront jamais vraiment fonctionner selon les schémas maritaux classiques.

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Dans l’entrain des Trente Glorieuses, ils ouvrent le grand bal d’une vie à deux pas comme les autres en entamant une valse à six temps, avançant, reculant, reprenant de l’élan, virevoltant sur un rythme qui n’appartient qu’à eux et à l’improvisation de leur histoire. 

Heureux de se marier un jour, de divorcer plus tard, puis se retrouver, et cette fois-ci se séparer avec rancoeur. 

– Et qu’est-ce qu’il me reste? Osa-t-il, en redressant la tête. J’ai tout perdu

Mal lui en prit.

–  Moi! hurla-t-elle. Il te reste moi. Mais cela n’a pas de valeur à tes yeux car on ne te l’a pas pris. Du jour où tu as eu des ennuis, tu n’as plus eu un mot d’intérêt pour ce que je fais. Si je peux te livrer une confidence, je te dirais que cela me manque plus que les beaux meubles qu’on nous a saisis.

– Je suis désolé, lâcha-t-il, en se tassant dans son siège.

Ludmilla, qui s’était rapprochée de la table, donna un coup sur le plateau de chêne, du plat de la main. 

– Je ne veux pas que tu sois désolé, comprends-tu cela? Je veux que tu sois heureux, dans le bonheur comme dans le malheur, que nous traversions tout cela sans faiblir, en nous donnant l’un à l’autre des preuves d’amour. Des preuves gratuites, pas des cadeaux de luxe ni des réceptions mondaines.

– Je veux, poursuivit-elle en s’approchant de lui, que l’échec te donne du courage autant que le bonheur, pourvu que nous le partagions.

Edgar et Ludmilla redéfinissent les liens du mariages, tandis que chacun prend son destin à bras le corps. 

Ca ressemble aux montagnes russes d’un grand manège de la vie, un jour au sommet et le lendemain retombé tout en bas, ça laisse des sillons sur les visages qui vieillissent et s’affaissent, ça laisse des encoches dans le coeur là où un jour on a blessé l’autre d’un coup d’épée.

Sur ces montagnes russes, le lecteur assis dans les wagons derrière se lâche et lève les bras en l’air, heureux et tout sourire, car c’est un récit réjouissant qui donne un plaisir infini. 

On voulait du romanesque, on a du romanesque, du grand, du vrai! 

Des personnages étoffés, pas toujours à leur avantage parce qu’ils subissent les affres de la vie, un rythme vif qui rebondit toujours, une revisite de l’histoire française des cinquante dernières années, le tout orchestré par une écriture qui connaît son affaire. 

L’histoire d’Edgar et Ludmilla, c’est un peu celle de Jean-Christophe Rufin – mais je vous laisse la découvrir. Je vous disais que c’est un personnage éminemment romanesque: ayant eu le privilège immense de le rencontrer pour le lancement de ce nouveau roman (que j’avais dévoré avant cette soirée à la Galerie Gallimard le 21 mars), je peux maintenant également vous dire que les héros savent rester humbles, drôles, élégants. C’est certainement cela qui en fait des grands hommes, et pour certains des Immortels. 

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Jean-Christophe Rufin, Galerie Gallimard, 21 mars 2019

Titre: Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla

Auteur: Jean-Christophe Rufin

Editeur: Gallimard

Parution: mars 2019

2 réflexions sur “Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla

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