Léonard de Vinci

 

IMG_0161Le 2 mai 2019 marquera le 500ème anniversaire de la mort de Léonard de Vinci.

2019 sera donc une année de commémoration du maître italien, inaugurée avec l’ouverture aujourd’hui 15 avril d’une première exposition à Turin « Léonard de Vinci: dessiner le futur ». 

Une exposition exceptionnelle aura également lieu en France, au musée du Louvre, à partir d’octobre 2019, mais elle est menacée ces derniers temps par une remise en question par le gouvernement italien des accords de prêts entre la France et l’Italie. 

Le Louvre, pourtant, avait décalé la date de son exposition afin de permettre à l’Italie d’honorer en premier son génie de la Renaissance – qui avait choisi de fuir son pays natal qui ne lui accordait que peu de reconnaissance…

Ce 500ème anniversaire, c’est donc l’occasion de sortir enfin de ma pile de livres à lire cette biographie écrite par Sophie Chauveau, achetée il y a deux ans au Clos-Lucé, dernière demeure du génie. Une biographie parmi des centaines évidemment, car Leonard de Vinci n’en finit pas de fasciner.

Vinci reste le personnage le plus complexe et le plus controversé. Pas un demi-siècle ne s’écoule sans une nouvelle révision de sa vie, sinon de ses oeuvres dont l’attribution évolue radicalement selon les époques.

Léonard de Vinci est une légende, à laquelle il a contribué en brouillant les pistes et en s’imposant parmi les personnages les plus complexes et les plus controversés.

Difficile parmi toutes ces centaines de biographies de démêler le vrai du faux – Sophie Chauveau explique qu’elle a choisi de s’en tenir aux certitudes et aux dates avérées, et pour le reste, elle a fait le tri parmi les informations qui se recoupent au moins trois fois dans l’impressionnante documentation qu’elle a étudiée pour son livre.

La biographie est construite chronologiquement, en courtes parties. Tout en gardant un fil conducteur, cela donne un ouvrage didactique aisé à suivre, où la narration au présent se mêle au conditionnel. Très vite, l’écrivaine nous brosse un portrait de l’artiste qui confère au récit une réelle présence:

Son physique défie tous les éloges. Vasari, même Vasari n’ose le détailler tant il est hors du commun. D’autres parlent de ses contours angéliques, de ses yeux clairs, bleus ou verts, personne ne tranche, de ses cheveux blonds ou roux, on opte pour le blond vénitien. Une carnation claire, un grain de peau serré, magnifique. Un corps d’éphèbe élancé. Et, chose remarquable à l’époque, une taille gigantesque. Il dépasse le mètre quatre-vingt dix. Quant à sa voix, elle serait terriblement haute. Suraigüe même. Et il en jouerait comme d’un instrument magistralement travaillé. Sa gentillesse est légendaire, son humour fait florès. Sociable et bon camarade, il se taille dans la confrérie des peintres, artistes, artisans – ainsi sont classés les Florentins – une solide réputation de bon vivant.

Elle lève les tabous autour de la sacralité du personnage, dont la sexualité a toujours interrogé, mais que la pudibonderie a préféré pendant cinq siècles dire chaste, abstinent, même impuissant. Cinq siècles pour oser écrire dans les biographies le secret de polichinelle qui pourtant n’avait rien d’un secret pour ses contemporains: son homosexualité.

Cette biographie se lit comme un parcours initiatique, puisqu’il témoigne de l’apprentissage de Léonard. Pas seulement l’apprentissage de la vie, mais son apprentissage en tant qu’artiste: il est très jeune, entre 12 et 15 ans, lorsqu’il intègre la bottega de Verrochio à Florence. Initié à la peinture, il montre déjà une curiosité insatiable pour la nature, l’anatomie et s’intéresse à tout en parfait autodidacte. N’ayant fréquenté que peu l’école, il est considéré comme un « homme sans lettres » (il ne connaît pas le latin) mais sa formidable intelligence lui donne accès à tout, notamment aux mathématiques avec l’enseignement de Fra Luca Pacioli. Son parcours l’amène successivement à Milan, Mantoue, Venise, Florence et Milan à nouveau, Rome, pour finir ses jours à Amboise.

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Il travaille pour les plus grands, mais la reconnaissance telle qu’il la souhaiterait n’est pas toujours au rendez-vous. Les commandes qui lui parviennent des dirigeants de ces villes-états italiennes (que Sophie Chauveau fait revivre par force détails) ne sont pas toujours à même de satisfaire et son porte-feuille, et son ego. Et lorsqu’il a des commandes, il a beaucoup de mal à les honorer et nombre de peintures restent inachevées. Il est aussi lent qu’entêté. Ses projets souvent démesurés, coûtent très cher et se révèlent régulièrement  des échecs: sa Cène au couvent Santa Maria delle Grazie s’abîme très vite car sa technique d’enduit est inadaptée, tandis que la statue du « Grand cheval » qu’il doit couler pour Ludovic Sforza doit être abandonnée car le bronze prévu à cet effet doit finalement servir à soutenir l’effort de guerre.

Car les différents états d’Italie connaissent nombre de guerres, auxquelles les Français prennent activement part.

C’est dans ces guerres que Léonard de Vinci convainc de ses talents d’ingénieur en créant non seulement de l’artillerie, mais aussi les premières cartes d’état-major. César Borgia le nomme Ingénieur de guerre. Sous la protection des plus grands, il passe pourtant pour un espion. Là aussi il est ambigu. Et dès qu’il sent le vent tourner, il prend la fuite.

Mais s’il y a un point sur lequel l’histoire et les biographes s’accordent, c’est son talent inouï pour organiser des fêtes incroyables. Facétieux, imaginatif, il aime s’amuser et amuser les autres et il excelle dans cet art qui surprend par ses mises en scènes, ses jeux de lumière, ses décors et costumes, et surtout ses automates géants.

Il éblouira non seulement l’Italie avec ses fêtes, mais également la cour de François 1er qui le fait venir en 1516 à Amboise. Il a 64 ans et accomplit un voyage éprouvant, avec dans ses bagages les tableaux qu’il n’a jamais réussi (ou voulu?) achever: La Joconde, le Saint Jean-Baptiste, la Sainte-Anne. Il sait qu’il ne reviendra pas en Italie, mais il a gagné l’estime et la reconnaissance qu’il a toujours espérées en devenant officiellement le peintre du Roi. Richement entretenu dans la demeure que lui offre François 1er, Le Cloux (Le Clos-Lucé), l’artiste malade, et âgé travaille encore à quelques projets et retouche peut-être encore ses peintures (certains biographes pensent que sa main droite paralysée – il était gaucher mais peignait de la main droite, l’a empêché de toucher aux tableaux qu’il avait emmenés avec lui) avant de mourir à 67 ans le 2 mai 1519.

Cinq siècles après sa mort, les mystères autour de Léonard de Vinci ne sont toujours pas éclaircis. 

Le nombre de peintures qu’il a réalisées interroge encore, puisqu’il en a laissé à la postérité qu’un nombre trop réduit. Combien de Joconde a-t-il peint? Pourquoi ce goût de l’inachèvement dans son travail? Et surtout, toutes ces fabuleuses machines qu’il a dessinées sont-elle vraiment de son invention? Rien ne le prouve, d’autant plus qu’on sait qu’il en a recopiées certaines du siennois Francesco di Giorgio Martini. Léonard de Vinci n’aura pas réussi comme il le souhaitait à publier tous ses écrits, et il y a encore des milliers de pages écrites de sa drôle d’écriture de droite à gauche lisible en miroir à analyser.

La fascination pour cet homme hors du commun reste vibrante.

Cette biographie de Sophie Chauveau est aussi remarquable que profondément instructive et éclairante, animée de notes de fin de page qui expliquent une multitude de détails, aussi bien historiques que techniques (son travail des supports, de la couleur, les cartons préalables à la peinture sur panneau de bois,…). Son travail s’attache aussi à l’histoire des oeuvres réalisées par l’artiste, dans un style érudit mais très accessible.

Léonard de Vinci fait partie de ces personnages sur lesquels je continuerai de lire, car tout chez lui, et autour de lui (le contexte historique, l’Italie) ouvre à un champ de connaissances incroyables.

J’avais dévoré en 2004 lors de mon premier voyage en Toscane Le roman de Léonard de Vinci de Dimitri Merejkovski (1866-1941).

Plus récemment, lors d’une visite au Clos-Lucé à Amboise (que je vous invite vraiment à découvrir après sa merveilleuse restauration qui a entre autres permis de reconstituer l’atelier du Maître) j’ai découvert et lu un roman auto-édité mais très érudit Léonard de Vinci et le dernier projet de Sylvie Gueunoun.

Enfin, le roman de Michèle Desbordes La demande traite de cette dernière partie de la vie de Léonard de Vinci à travers le regard de sa célèbre servante Mathurine.

Freud s’est également intéressé à Léonard de Vinci à travers son essai Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, et particulièrement aux raisons de l’inachèvement qui a caractérisé son oeuvre.

★ ★ ★ ★ ★

Titre: Léonard de Vinci

Auteur: Sophie Chauveau

Editeur: Gallimard

Parution: 2008

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