Ils se sont juré fidélité, secours et assistance.
Mais à peine un an après leur échange de consentement, Roy et Celestial se retrouvent tragiquement séparés: Roy est accusé d’un viol qu’il n’a pas commis, et condamné à une peine de douze ans de prison.
Il est innocent, personne n’en doute et surtout pas sa femme qui était avec lui dans une chambre d’hôtel au moment des faits, mais être Noir suffisait à faire de lui le coupable idéal, dans ce Sud des Etats-Unis où le racisme continue de régner.
Incarcéré en Louisiane, loin d’Atlanta où ils habitent, Roy voit peu à peu Celestial prendre de la distance, jusqu’à ne plus donner de nouvelles. Douze années de séparation, à l’âge où l’on veut construire une famille, paraissent insurmontables à la jeune femme, qui par ailleurs développe sa carrière artistique.
Elle s’est rapprochée de son ami d’enfance, Andre, épris d’elle depuis toujours – c’est pourtant lui qui avait présenté Roy à Celestial alors qu’ils étaient encore étudiants.
Partagée entre son devoir envers Roy et son amour pour Andre, Celestial doit affronter la réalité lorsqu’au bout de cinq années Roy est libéré – tandis que celui-ci cherche à retrouver sa femme et reprendre sa vie là où il l’avait laissée cinq ans plus tôt. Et si la distance et la solitude l’ont mené vers le lit d’un autre homme, elle doit désormais, aux yeux de Roy, reprendre son rôle d’épouse auprès de lui.
C’est bien entendu ce qui donne à ce roman toute sa force, ce sens du devoir. Un devoir conjugal, mais aussi un devoir de groupe social. Etre Noirs dans une Amérique de Blancs a rendu depuis toujours les enjeux plus difficiles pour Roy et Celestial. Et les différences de classe sociale entre Roy, issu de la classe ouvrière noire, et de Celestial, issue de la bourgeoisie, ajoutent un autre jalon à leur épreuve.
Dans ce roman choral, l’histoire se raconte du point de vue de Roy, Celestial et Andre.
Ce triple regard donne une vue plus large de l’intrigue, et de fait évite tout jugement favorable à l’un ou à l’autre des protagonistes. L’empathie du lecteur va à chacun : à Roy qui légitimement aspire à retrouver sa vie là où il l’a laissée cinq an plus tôt, à Celestial partagée entre le devoir qu’elle se devrait d’accomplir et sa vie qui doit avancer, et à Andre, partagé entre son amour pour Celestial et sa loyauté envers Roy.
Evidemment, on ne peut se départir de voir à travers ce roman une étude sociologique, comme tout roman afro-américain – ce qui est réducteur, mais lui donne aussi un intérêt particulier.
J’ai eu un certain mal à investir émotionnellement cette lecture, d’autant plus que j’ai été gênée par l’arrestation de Roy, bâclée et difficile à comprendre – peut-être parce que justement, arrêté à tort parce qu’il est Noir, il n’y avait rien d’autre à comprendre.
Par ailleurs, le rôle que tient son compagnon de cellule (et que je ne dévoilerai pas ici) manque à mon sens de crédibilité. Le triangle amoureux Roy – Celestial – Andre m’a tenue à distance.
Toutefois, j’ai trouvé que le thème de la famille, les parents de Celestial d’un côté et ceux de Roy de l’autre, leur histoire mais aussi leur devoir vis à vis de ce fils ou de ce gendre incarcéré, était traité avec profondeur.
De même, la dernière partie, à savoir le retour de Roy à la liberté, et le devoir ou les dûs qui se rappellent à chacun, m’a davantage touchée et j’y ai trouvé la sensibilité et l’incarnation qui jusque là avaient fait défaut dans le roman.
Titre: Un mariage américain
Auteur: Tayari Jones
Editeur: Plon
Parution: Août 2019
Ce n’est forcément mon genre de lecture, mais le débat moral entre devoir et aspirations sans oublier cette présence du racisme ont de quoi interpeller…
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Oui, c’est ce que donne son intérêt au roman. Dans le même esprit (roman conjugal et communauté noire) je te recommande Ordinary People bien plus abouti à mon goût
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Merci pour la recommandation 🙂
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