Le bal des folles

IMG_8884

C’est un premier roman qui force l’admiration. Non seulement Victoria Mas a choisi d’y parler de la condition des femmes, mais en plus, elle a choisi l’angle historique pour s’y atteler.

Pour ce faire, elle nous embarque dans un voyage dans le temps. Retour en 1885, à la Pitié Salpêtrière – là où depuis le 17ème siècle on a parqué les pauvres, les mendiantes, les vagabondes les clochardes, les débauchées, les prostituées, les filles de mauvaise vie, les folles, les séniles, les violentes, bref, « celles que Paris ne savait pas gérer ». Jusqu’à ce que le lieu d’apparence si bucolique soit, au 18ème siècle, dédié aux soins neurologiques. Désormais, seules les aliénées y séjourneraient. 

C’est parmi elle qu’Eugénie Cléry se retrouve internée – folle, elle ne l’est pas. Mais elle voit les Esprits des défunts : autant dire qu’elle a pactisé avec le diable, pense sa famille qui va se débarrasser d’elle en la faisant interner.

 Une certaine effervescence règne sur l’asile lorsqu’elle arrive: le fameux bal de la mi-carême, couru par les personnalités de la capitale, va bientôt avoir lieu. La bourgeoisie parisienne se bat pour avoir une place à ce fameux « bal des folles », se distraire et rire de ces aliénées qui se préparent des semaines durant à cet évènement.

Sous la surveillance de l’intendante Geneviève Gleizes, Louise, Thérèse, Camille et les autres aliénées expérimentent les nouvelles méthodes de soins neurologiques mises en place par le professeur Charcot, dont les séances d’hypnose font fureur – « il est à la fois l’homme qu’on désire, le père qu’on aurait espéré, le docteur qu’on admire, le sauveur d’âmes et d’esprits ». 

Mais si Eugénie n’est pas « hystérique »  (« Hystérique », vous devinerez que ce mot me fait bondir – seuls des hommes pouvaient l’inventer, tout comme les traitements infligés à ces femmes) comme ses compagnes d’infortune, comment va-t-elle pouvoir faire face à l’injustice de son enfermement? 

Une-femme-qui-souffre-de-catalepsie-causée-par-lhystérie2.jpg

 

Tout ce qui lui est familier lui a été brutalement ôté, sans son consentement, et jamais plus elle ne pourra le retrouver. Car même si elle parvenait à partir d’ici – mais comment, et surtout quand? -, il lui serait impossible d’aller frapper chez son père. Sa vie telle qu’elle l’a connue jusqu’ici, tout ce qui la constitue, ses livres, ses vêtements, son intimité appartiennent désormais au passé. Elle n’a plus rien – elle n’a plus personne.

Le rythme du roman est enlevé, et il se lit non seulement comme une fiction prenante mais également comme un documentaire passionnant. 

Victoria Mas y évoque les débuts de la neurologie moderne et des travaux de Charcot, qui voulut faire des aliénées des femmes comme les autres – en les faisant notamment participer à ce bal qu’il inventât. On assiste aux expérimentations, devenues des moments de partage mondain, que Charcot mit en place, entouré de disciples tels que Joseph Babinski ou Gilles de la Tourette. On y croise Albert Londe dont les célèbres photos d’aliénées ont étayé les travaux des neurologues. Et c’est surtout un plaidoyer sur la condition des femmes au 19ème siècle.

Si j’ai lu ce livre avec un plaisir instructif sincère, il m’a manqué une part de folie, justement, le récit étant un peu trop lisse, trop romanesque pour me percuter au-delà des aspects documentaires que j’ai vraiment beaucoup aimés. Le bal des folles reste malgré cela une lecture que j’ai appréciée, et le travail documentaire et narratif me laisse admirative du travail tant narratif que documentaire de Victoria Mas.

Titre: Le bal des folles

Auteur: Victoria Mas

Editeur: Albin Michel

Parution: 21 Août 2019

3 réflexions sur “Le bal des folles

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s