« Monstre », ça revient toujours. C’est drôle quand on y pense. Certains répètent inlassablement qu’on est des monstres. Des fous à électrocuter. Alors que d’autres pensent que l’on est les plus belles choses de ce monde.
Une nuit, dans une boîte de NYC, James rencontre Victor. James a la soixantaine, il revient après trente ans d’absence. Victor, jeune latino, a déjà connu les gangs et la prison, et il a quitté LA pour New-York avec un seul but en tête.
Dans la nuit, James entreprend le récit de son histoire dans le New York underground des années 80, où il était alors Lady Prudence, sublime drag queen afro-américaine.
Entourée des plus belles créatures de son espèce, elles faisaient leur show dans les cabarets new-yorkais et traînaient avec ce que New York comptait en artistes qui bientôt seraient mondialement célébrés: Madonna, Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, Nan Golding.
Sur le trottoir, nous sommes prêtes. Jambes épilées, gueules poudrées, lustrées comme des pare-chocs. Nous avons passé l’après-midi devant nos miroirs à créer nos monstres et quand je regarde mes copines se préparer, je réalise à quel point nous aimons la beauté.
Les drags, ces drôles de monstres, fascinaient avec leurs perruques, leurs paillettes, leurs talons vertigineux et leur maquillage qui les transformaient en créatures extravagantes. Mais une drôle de maladie déboule sans prévenir, et décime le milieu gay de ce New-York underground.
Sur les parterres de l’amour, ce monde-là vibre, boit, baise, insouciant, à l’aube du grand mal. A tout va, ça se pique, ça picole, ça overdose en mousse, ça chante « Dancing With Myself » en se prenant pour l’Idol.
Avant que le mal débarque, nous en étions tous.
Des idoles
Victor, lui, n’est pas gay, mais les drags l’éblouissent. L’histoire de Lady Prudence percute la sienne et lui donne la force de croire en son rêve.
C’est toute la culture drag-queen, que JDL nous fait découvrir dans une fête vibrante, faite de salles de bal et de voguing.
Elles sont nées garçons, avec inscrite dans leur corps cette invincible nécessité d’être femme jusque dans leur âme. Elles sont faites de fêlures et d’abîmes de souffrances, de rejet, d’abandon, de violence mais elles ont trouvé chez les drags une famille qui les aime.
Dans mes shows sur scène, il y a mes sourires de diva, mon charme, mes tenues à scandale. Il y a aussi mon père qui m’a réduit en miettes trois cent mille fois
Dans la grande famille drag, elle sont parfois mères, et vous prennent sous leur aile, souvent filles pour la vie – une vie trop courte quand on est gay et que le sida a jeté son dévolu sur les vôtres.
L’échelle, je la grimperai tout en haut, il y aura Lady Prudence qui batifole comme une libellule au-dessus des lacs
Si l’écriture est un monstre, alors Julien Dufresnes-Lamy, à l’instar de Lady Prudence, Venus et toutes les autres, a lui aussi sorti sa plus jolie créature.
Il s’affranchit dans ce roman de toutes les barrières, son écriture prend une liberté urgente et sans détours, sublimée par les paillettes, le tulle et les projecteurs. Il y a dans les mots de ses jolis monstres une poésie qui palpite, une élégance flamboyante à l’image de ces divines plus femmes que femmes.
Titre: Jolis jolis monstres
Auteur: Julien Dufresne-Lamy
Editeur: Belfond
Parution: Août 2019
Une réflexion sur “Jolis jolis monstres”