S’échapper.
C’est sur un escape game que commence le nouveau roman de Julie Wolkenstein, avec l’explication laborieuse d’une partie jouée sur l’ordinateur de son fils, à explorer des scènes pour s’en échapper. A glisser des objets glanés ça et là dans dans un « inventaire » qui plus tard, peut-être, apporteront leur aide pour s’échapper…
A la manière de cet escape game, Julie Wolkenstein va nous amener de pièce en pièce à découvrir sa maison de famille, celle qui a vu les fêtes et les vacances d’été, témoin des générations qui se succèdent, des séparations, et des drames familiaux.
S’échapper, donc. D’une pièce pour en découvrir une autre. Ouvrir des coffres, des armoires. Mettre dans l’inventaire un déguisement. Un magazine. Monter des escaliers, passer des paliers en essayant de se créer une géographie mentale de l’espace et des émotions.
S’échapper, fuir. Oui. Une urgence. S’échapper non pas de la maison, mais du livre.
S’échapper d’une histoire où je me sens totalement étrangère, où je ne ressens rien, sinon le malaise de ne pas être à ma place, d’être tenue à distance par le « vous » de la narratrice qui enjoint sans cesse à explorer avec elle ses souvenirs dans la posture rigide d’une gardienne de musée:
Vous pouvez maintenant vous approcher des portes vitrées et tenter de voir à travers leurs carreaux poussiéreux quelles pièces elles desservent. Celle qui donne sur la partie sud est malheureusement obstruée, de l’intérieur, par une paire de rideaux en toile rayée verte et blanche, hermétiquement joints. En face, côté nord, pas de rideaux, mais la pièce est plongée dans l’obscurité. Tous les volets sont clos. C’est le salon, pas de doute, même si vous n’en distinguez pas nettement les meubles
Plage de Jullouville, 2017
L’exercice était intéressant – mais il reste ce qu’il est: un exercice littéraire avant tout. Une chasse aux souvenirs qui n’a pas d’âme, une histoire qui nous reste étrangère. Un inventaire froid, un état des lieux oppressant.
Et pourtant, la connivence aurait pu être là – les souvenirs de cette côte normande, j’aurais pu en être complice.
Ayant grandi à quelques kilomètres de cette maison de Saint-Pair-sur-Mer, elle aurait pu interpeller ma propre nostalgie – et je sais, qu’au fond, c’est ce que j’attendais.
Mais là où j’aurais souhaité lire, probablement, une déclaration d’amour à cet endroit qui nous lie, je n’ai trouvé bien souvent que de la condescendance à l’égard de son pays d’accueil.
Un regard hautain, distancé.
« Et toujours en été » me susurrait la douceur languide d’une ritournelle nostalgique et j’avais placé trop d’attentes personnelles sur ce récit. Je ne doute pas de la sincérité de la démarche littéraire de son auteure, je ne mets pas en doute la dimension intellectuelle de son travail (travail qui intéressera certainement des lecteurs moins sentimentalistes que moi, ravis même de retrouver en ces murs la présence de Bertrand Poirot-Delpech, le père de l’auteure) mais il manque un ingrédient essentiel, qui s’appelle… l’émotion.
Titre: Et toujours en été
Auteur: Julie Wolkenstein
Editeur: P.O.L
Parution: janvier 2020
Dommage pour ce rendez-vous un peu manqué.
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Oui, vraiment dommage…
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