Souvent, les raisons qui nous poussent à lire un livre n’ont rien à voir avec des critiques dithyrambiques, une communication joliment orchestrée, ou tout simplement une belle couverture. Il arrive qu’un titre fasse « tilt » parce qu’il vous chuchote quelque chose à l’oreille – la promesse d’un secret qu’on dévoile?
Pour moi qui caresse depuis longtemps le fantasme de travailler dans l’édition (voilà, je fais mon coming out) ouvrir « Le service des manuscrits », c’était comme pénétrer dans les coulisses de ces vénérables maisons pour découvrir tout ce qui nourrit mon imaginaire: comment naît un livre, comment travaille l’éditeur, quels sont les enjeux d’une sortie… je m’égare évidemment, car le but d’Antoine Laurain n’était certainement pas de nous offrir le guide pratique de la reconversion professionnelle dans l’édition!! Et d’ailleurs, j’ai dans un premier temps très vite oublié les raisons qui m’avaient plongée dans ce livre, alors que je tombais dès la première page dans une faille spatio temporelle, où l’héroïne du roman se découvre entourée de Proust, Perec, Houellebecq, Woolf et Modiano en sortant du coma…
L’héroïne du roman, c’est Violaine Lepage – éditrice et directrice du Service des Manuscrits d’une maison d’édition renommée, elle est confrontée au dossier le plus délicat de sa vie d’éditrice: qui est l’auteur de « Les fleurs de sucre », un texte époustouflant qui a atterri au service des manuscrits par la poste, et qui s’annonce comme l’un des plus grands succès littéraires de la maison?
Alors qu’il est en route vers le Goncourt, non seulement personne n’a jamais rencontré son mystérieux auteur, mais en plus, les meurtres décrits dans le roman se révèlent curieusement prophétiques.
Violaine Lepage est bien ennuyée. A peine remise du traumatisme de l’accident qui l’avait plongée dans le coma, la voici bientôt prise en étau entre la police qui enquête et les séquelles post-traumatiques de sa mémoire. Cache-t-elle des secrets? Ou veut-on lui en cacher?
A mi-chemin entre la farce et le roman policier, Antoine Laurain nous offre un roman qui mélange les genres avec cocasserie, et on se délecte de son apparente légèreté teintée d’un soupçon de rocambolesque.
L’auteur (le vrai!) nous brosse le portrait réjouissant d’une éditrice redoutable mais perdue dans les contradictions de sa personnalité, et on aime son grain de folie. Mais pourquoi s’arrêter à Violaine d’ailleurs? C’est finalement tout le portrait de cette sphère littéraire qui est délicieux.
On s’attache aussi à la galerie de personnages qui entourent Violaine et n’ont rien à lui envier.
Le but d’un déjeuner littéraire est de maintenir le lien amical avec l’auteur. Mais aussi – et surtout – de savoir s’il travaille, s’il a progressé dans ce manuscrit pour lequel une avance a été versée par virement bancaire. Entre ceux qui écrivent trop et ceux qui n’écrivent pas assez, entre les vaches à encre qui voudraient qu’on les publie deux fois l’an et ceux qui n’écrivent qu’une ligne les bons week-ends, il faut doser les contrats et les avances – et les déjeuners.
L’enjeu des prix littéraires, le travail de l’éditeur, la relation éditeur-auteur, les arcanes de la maison d’édition, Antoine Laurin scanne tout cela à l’encre sympathique et un peu folle de sa plume et nous livre avec cette histoire rondement menée un roman singulièrement réjouissant.
Antoine Laurain et son éditrice Louise Danou dans le service des manuscrits des éditions Flammarion le 9 janvier 2020
Titre: Le service des manuscrits
Auteur: Antoine Laurain
Editeur: Flammarion
Sortie: 8 janvier 2020
Un roman qui a l’air original et génial pour les personnes qui s’intéressent au monde du livre 🙂
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Oui, mais pas seulement notamment grâce à toute la partie « policière »
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