
Il y a presque deux ans, alors que je venais parler ici d’Orange amère, c’est en premier lieu la couverture du roman qui avait inspiré le démarrage de mon billet, tant je la trouvais en symbiose parfaite avec le roman.
Quitte à manquer d’originalité, je vais recommencer exactement de la même façon. Car franchement, comment passer à côté de cette couverture, repérée dans son édition originale à la librairie Galignani quelques mois plus tard, quand elle est une nouvelle fois si représentative du roman?
La jeune fille au charme magnétique sur ce tableau, long cheveux noir, yeux bleus et manteau rouge sur un fond de tapisserie qui évoque un peu un tableau chamarré de Vuillard, s’appelle Maeve Conroy.
Maeve et son petit frère Danny grandissent près de Philadelphie, dans la magnificence d’une immense maison de maître, la maison des Hollandais. Les Hollandais, ce sont les Van Hoebeek, de riches marchands de tabac qui jadis ont fait construire cette demeure.
Leur portrait, telle une présence spectrale, veille sur les enfants, en même temps que la cuisinière et la gouvernante. Leur mère les a abandonnés, et le père n’est plus qu’une présence froide, un homme qu’ils connaissent à peine. Dans ce refuge suprême, Maeve veille sur son frère comme une louve, et un amour indéfectible lie le frère et la soeur, dont la complicité se trouve plus que jamais renforcée lorsque leur père épouse Andrea, une femme prédatrice qui semble convoiter la maison plus que l’homme.
Avec grâce et sensibilité, Ann Patchett raconte la famille et les liens subtils qui l’unissent, comme elle avait su si bien le faire dans « Orange amère ».
Au centre de l’histoire, il y a l’amour inconditionnel qui unit Maeve et Danny, le narrateur de leur histoire, tandis que nous les observons devenir adolescents, puis adultes, éloignés de la maison des Hollandais et revenant pourtant chaque fois, aimantés, passer des heures devant ses fenêtres: « comme les hirondelles, comme les saumons, on était les esclaves impuissants de nos chemins migratoires ».
La maison des Hollandais, vestige de leur enfance, se fait personnage à part entière du roman: il parcourt les détails raffinés et intimes de la demeure, figée dans une autre époque – à tout moment on s’attendrait à voir les Van Hoebeek surgir dans le salon ou dans une chambre, ouvrir ici une boîte à cigare ou saisissant là, abandonnée sur une coiffeuse, une brosse à cheveux en argent.
Contrairement au récit éclaté d’Orange amère, le schéma narratif, ici, est limpide: Danny, devenu adulte, déroule le fil de leur histoire et nous offre un regard intime sur les liens qui unissent ceux qui grandissent sans parents et les événements qui les ont construit. Danny dit les choix qu’on a (ou pas) et rappelle que le destin sait toujours attendre le bon moment pour sortir de sa cachette. Même, ou peut-être surtout, quand La maison des Hollandais continue à vous hanter avec ses vieux fantômes.
Traduit par l’écrivaine Hélène Frappat, également traductrice d’Orange amère, on retrouve avec délectation l’écriture limpide et si plaisante d’Ann Patchett, et ce savoir-écrire si particulier des écrivains américains.
Une pépite de la rentrée littéraire que je vous recommande chaudement.
Titre: La maison des hollandais (The Dutch House)
Auteur: Ann Patchett
Editeur: Actes Sud
Parution: janvier 2021
Une réflexion sur “La maison des hollandais”