
Difficile de se construire une vie quand on a pour modèle la vie parfaite de ses parents.
Pourtant, ne devient-on pas plus heureux quand on grandit entouré de parents aimants?
Le problème, c’est que les parents Sorenson s’aiment un peu trop, au goût de leurs filles.
Combien de fois ont-elle surpris leurs regards, leurs mains, leurs baisers – et même, elles préfèrent en rire, leurs ébats!
Cet amour parfait qui traverse les décennies n’en est pas moins un modèle écrasant pour les quatre soeurs. Il y a Wendy, rebelle et déjà veuve a à peine 40 ans, suivie de près par Violet la parfaite qui a toujours réussi ce qu’elle entreprend (mis à part un gros secret qui pourrait tout faire vaciller). Vient ensuite Liza, qui a hérité de l’esprit scientifique de son père, mais est pourtant loin d’être rationnelle quand il s’agit de sa vie. Et enfin la petite dernière, Grace, que personne ne veut considérer comme une adulte et se trouve embourbée dans un gros mensonge.
Sur quarante années, dans la banlieue de Chicago, nous suivons la vie rêvée des Sorenson: on finit par connaître les pièces de la maison de Fair Oaks et le ginkgo du jardin fait soudain partie de notre paysage mental. Mais comme les marches en bois qui mènent au jardin, ça grince irrésistiblement dans cette histoire.
« Je suis sûre que vous êtes à l’origine de mes trop grandes espérances dans la vie » dit un des personnages extérieur à la famille Sorenson. Cela nous fait prendre la mesure de ce que peuvent éprouver les quatre filles. Oui, Marilyn et David ont cette chance extraordinaire, quarante ans après leur rencontre, de s’aimer, et de se désirer, comme au premier jour! Même quand la vie pose des obstacles sur leur chemin.
C’est un roman choral, qui croise les époques, et petit à petit nous amène à comprendre le présent.
Les personnages sont travaillés avec délicatesse, et Claire Lombardo les intègre dans une grande fresque familiale, où petites anecdotes et grosses surprises nous sont contées.
Il m’a fallu du temps, malgré la sympathie qu’ils m’inspiraient tous, pour dépasser des pages que je trouvais certes sympathiques, mais aussi étonnamment ennuyeuses – le récit n’étant pas linéaire, je trouvais un peu long de ne pas en venir au but.
Et puis le moment où je me réjouissais de la fin de la journée pour retrouver ma lecture est arrivé.
A partir de cet instant, celui où les personnages prennent de la densité parce que vous les cernez davantage (bravo à l’auteure, finalement, d’avoir su manier ce bon dosage), j’ai connu « Tout le bonheur du monde ».
Claire Lombardo, elle-même petite dernière d’une grande famille aimante, reste toujours parfaitement juste, sensible et drôle – et le roman est servi par une très belle traduction de Laetitia Devaux.
Titre: Tout le bonheur du monde
Auteur: Claire Lombardo
Editeur: Rivages
Parution: 2021
Une réflexion sur “Tout le bonheur du monde”