
Voici un livre que vous n’avez pas fini de voir, dans la lignée de ces pépites anglaises que les éditions de la Table Ronde ont déniché dernièrement pour nous, à l’instar des romans au charme suranné de L.P. Hartley et de la désormais incontournable Elizabeth Jane Howard.
Qui connaissait cette grande oubliée, Margaret Kennedy, qu’on ne trouve aujourd’hui que sur les étagères de livres vintage?
« Le Festin » est une comédie doublée d’un satire sociale, où l’autrice se moque des vices de ses contemporains.
L’issue est connue dès le départ: le manoir de Pendizack, une pension de famille située sur le promontoire d’une station balnéaire des Cornouailles, vient de disparaître, totalement atomisé par l’éboulement d’une falaise en surplomb. Les sept occupants présents à ce moment dans l’hôtel ont tous péri. Le révérend Bott, chargé de l’oraison funèbre, a bien du mal à la rédiger, tant cet accident semble détenir des secrets dérangeants. Voilà de quoi nous tenir en haleine dès le départ!
Dans un récit à rebours de l’accident, Margaret Kennedy place les personnages comme des pions sur l’échiquier de l’histoire : lesquels parmi eux périront?
Dans le désordre, nous rencontrons les propriétaires du manoir, leurs trois grands fils et leurs employés. Viennent ensuite les clients: il y a ces aristocrates accompagnés de leur quatre enfants; un couple âgé qui ne se parle plus depuis la mort de leur bébé; une veuve accompagnée de ses trois filles tout droit sorties d’un roman des soeurs Brontë; un chanoine despote accompagné de sa fille soumise; et une écrivaine célèbre accompagnée de son chauffeur-gigolo.
C’est une galerie de portraits formidablement croqués que nous suivons pendant sept jours, dans un texte enlevé, composé de points de vue divers, de lettres, d’extraits de journal intime, et de notes diverses.
Dans ce contexte d’après-guerre, les difficultés matérielles exacerbent les comportements et des failles s’ouvrent au sein de cette petite communauté de vacanciers – en même temps que dans la falaise fragilisée quelques mois plus tôt par l’explosion d’une mine. Les tensions vont croître, révélant au fur et à mesure les qualités et les défauts de chacun.
Margaret Kennedy entretient savamment le suspense dans le compte à rebours vers l’instant fatal.
Et on se surprend à faire des pronostics, à souhaiter que ce soit plutôt ce personnage-ci que celui-là qui périsse sous les gravats, parce qu’entretemps évidemment, on s’est attachés à certains plus qu’à d’autres (notamment les délicieuses filles de la veuve ou la petite peste de cette égoïste lady).
Le contexte historique et l’ironie du roman ne sont pas sans évoquer les Cazalet – et si comme moi vous adorez cette saga, alors vous vous régalerez de ce Festin!
Traduction Denise Van Moppès
Titre: Le festin (The feast)
Auteur: Margaret Kennedy
Editeur: La Table Ronde
Parution: mars 2022
Une réflexion sur “Le festin”