
On adore mettre les gens dans des cases.
Ainsi, Sandrine Collette a longtemps été affublée de l’étiquette « autrice de roman noir », mais ses derniers romans sont bien plus que cela – et son maintien dans la seconde sélection du prix Goncourt (quoiqu’on pense du Gongourt) en est bien la preuve.
Avec « Madelaine avant l’aube », elle nous emmène loin, très loin. Même si, avec Sandrine Collette, on ne sait jamais tout à fait où ni quand l’on est. On lit entre les lignes.
Les Montées, c’est un hameau de trois fermes « au bout du monde » – il y a des marais, plus loin un village, des forêts, des champs et un fleuve, le Basilic. Ici la vie n’est que labeur. Dans sa ferme, Eugène, ses fils et sa femme Aelis travaillent dur, du matin au soir.
Plus loin, dans l’autre ferme, il y a Ambre, la jumelle d’Aelis, et son mari Léon, qui fabrique des sabots quand il ne boit pas.
Plus loin encore, vivent la vieille Rose et Bran, qui veille sur elle.
Aelis et Ambre sont inséparables, l’une a enfanté par cinq fois, le ventre de l’autre est resté vide. Mais. L’arrivée de Madelaine, une « fille de faim », va tout changer: la petite sauvageonne devient une fille pour Ambre, une cousine pour les fils d’Aelis, et l’amie inséparable de Bran – mais en elle subsistent des réflexes sauvages, et on la devine prête à bondir comme une bête à la moindre alerte.
Moi, je n’avais rien à lui donner. Et pourtant le lien le plus immédiat et le plus fort, celui qui resterait à jamais, même après que Rose eut cédé la petite à Ambre, était entre elle et moi. Je l’avais su au premier coup d’œil et j’ai vu qu’elle savait aussi: nous étions pareil. Nous étions sauvages. Nous étions à part
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