Comment le pays le plus riche et le plus observé au monde peut-il également concentrer des écarts économiques et culturels si abyssaux au regard de sa position géopolitique?
C’est à cette question que va s’attacher le récit de J.D. Vance, américain blanc issu de la classe ouvrière des Appalaches – Blanc mais pas WASP.
J.D. Vance et sa famille font partie des Hillbillies, les péquenots, rednecks ou white trash d’origine irlando-écossaise, qui ont fait prospérer par un lourd travail dans les mines et la sidérurgie, la situation économique de la Rust Belt – jusqu’au déclin du Midwest industriel, avec toutes ses conséquences : chômage, misère, drogue, colère, xénophobie. Les Hillibillies, avec leur accent du Sud et leurs manières, attirent les moqueries des américains bien pensants.
Ce qu’il y avait de dérangeant chez les Hillbillies était d’ordre ethnique. A l’évidence, ils appartenaient à la même catégorie que ceux qui dominaient la politique, l’économie et la société, sur le plan local et national (des Blancs) mais les Hillbillies avaient de nombreuses caractéristiques régionales en commun avec les Noirs en provenance du Sud qui arrivaient à Detroit
J. D. Vance raconte son enfance dans les Appalaches, au sein d’une famille issue de cette classe ouvrière. Il a grandi dans une ville de l’Ohio, Middletown, victime de la crise économique. Violence et rancune dominent les rapports communautaires, et sa famille n’échappe pas à la règle. Ballotté entre une mère accro à la drogue et les nouveaux hommes qui se succèdent à rythme régulier dans la vie de celle-ci, J.D Vance sera élevé en grande partie par ses grands-parents, Mamaw et Papaw, qui malgré les défauts de leurs communauté sauront lui inculquer les bonnes valeurs et le pousseront à étudier, à échapper au destin des Hillbillies en allant à l’université, pour finir à la faculté de droit de Yale.

Histoire d’une enfance résiliente, Hillbilly Elégie dépeint aussi une communauté en perdition, qui n’a pas de héros auxquels se raccrocher, mais seulement une arme et une bible dont on fait un usage très personnel. Une société pessimiste, non éduquée, qui a perdu le goût de l’effort, vit de bons d’alimentation et s’enfonce dans le cratère de la pauvreté. Paradoxalement, c’est dans cette région des grandes Appalaches, à majorité ouvrière, qu’on est passé dans le camp républicain après Nixon (et pas depuis Trump comme on aurait pu l’imaginer), région aussi à fort patriotisme.
Dans la littérature américaine, j’aime les anti-héros, les laissés pour compte, les écorchés. Dernièrement, j’ai découvert avec un plaisir indicible des auteurs de cette Amérique de la middle class : Willy Vlautin, Christian Kiefer, ou encore Joe Meno. Mais j’ai souvent lu aussi la romancière Tawni O’Dell qui n’écrit que sur la Rust Belt et la crise de ses régions minières, aussi ai-je apprécié de voir traiter ces aspects d’un point de vue sociologique, et non plus romanesque. La réalité est très proche de la fiction, et probablement pire lorsqu’elle est privée du filtre romanesque.
Toutefois, le parti pris de la success story à l’américaine (l’enfance résiliente, le passage par les Marines pour se former en tant qu’homme, la volonté de s’en sortir par le travail parce qu’il n’y a que cela qui est possible – et il a raison, certes) m’ont parfois agacée, de même que le propos moralisateur qui en résulte. Ne nous voilons pas la face, J.D. Vance s’est transformé dans sa résilience en véritable jeune conservateur, qui de Hillbilly semble avoir tourné WASP. Par ailleurs, son récit ayant été écrit avant l’investiture de Donald Trump, on ne saura pas ce qu’il pense de l’élection du successeur de Barack Obama à la Maison Blanche, et c’est fort dommage – son opinion à ce sujet m’aurait hautement intéressée…
J.D. Vance est né en 1984 dans l’Ohio. Ancien marine, il est diplômé de l’Ohio State University et de la Yale Law School. Avocat de formation, il travaille aujourd’hui pour Mithril Capital Management, un fonds d’investissement, et vit à San Francisco avec son épouse Usha, avocate également et rencontrée à Yale.
Titre : Hillbilly Elégie (Hillbilly Elegy: A Memoir of a Family and Culture in Crisis)
Auteur: J.D. Vance
Editeur: Editions Globe
Parution: 6 Septembre 2017
C’est bien ce que je craignais… Tes bémols risquent de m’agacer fort aussi. Outre les billets coups de coeur, un autre blogueur parlait de ce parti pris et j’ai remis en question mon désir de le lire. Tu viens de buter mon envie et je t’en remercie! Je vais passer mon chemin, mais merci pour l’offre!
Je carbure aux laissés pour compte, dont ceux des romans de Willy et de Kiefer. Tu dois commencer à t’en douter! Toi, tu dois lire « Là où les lumières se perdent » de David Joy et « Père et fils » de Larry Brown. Tu seras servie!
Moi, il me reste à découvrir Tawni O’Dell (j’avais deux de ses romans (Retour à Coal Run et Le temps de la colère) dans ma pàl et ils sont passer à la trappe. J’espère les retrouver dans le sac destiné aux boîtes à livres dans mon auto, sans quoi je vais m’en mordre les doigts…)
Et je comprends que je dois lire Joe Meno?!
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Contente de te rendre service 😉 je note David Joy et Larry Brown. Quant à Tawni O’Dell, tu me diras… c’est très romanesque et moins brut que toute cette sublime littérature que je découvre entre autres avec toi. Et pour Joe Meno, oui, fonce! Il te plaira cet écorché !
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Pour avoir habité dans le Sud (le Tennessee), je connais les Appalaches et ces petites villes. J’ai lu aussi deux avis qui expriment aussi leur malaise par rapport au positionnement de J.D Vance. Du coup, si c’est une autobiographie, okay mais si c’est un livre « social », j’avoue que c’est étrange.
En lisant les avis (dont le tien), je n’apprends rien non plus. Effectivement, le Sud a longtemps voté Démocrate (jusqu’à Roosevelt) pour devenir Républicain par la suite. Pour la pauvreté, et la misère sociale, elles sont bien présentes mais elles existent ailleurs (doit-on rappeler que 34 millions d’Américains vivent en dessous du seuil de pauvreté?) – bref, je ne vais pas le lire parce que je connais trop bien le sujet – tu le dis toi-même une arme dans une main et la Bible dans l’autre.
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Disons que nous sommes dans une autobiographie sociologique ? Son témoignage est étayé de commentaires socio-économiques, avec des allures conférencières. C’est une lecture intéressante, mais pour toi effectivement rien de nouveau puisque tu as vu tout cela de près…
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Merci pour la précision ! En tout cas ton ressenti est le même que les autres. 😊
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J’ai lu plusieurs billets sur ce livre, qui présentent tous plus ou moins les mêmes bémols, mais il m’intrigue beaucoup quand même! je le mets sur ma wishlist!
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Je vais aller lire tout ça, maintenant que j’ai écrit mon billet 😉 Le témoignage reste intéressant, quoiqu’il en soit, et le parcours de JD Vance admirable. Il revient vraiment de loin…
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