Un jour, tu raconteras cette histoire

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Jim mourut au milieu d’une nuit de juin, quatre jours après son soixante-quatrième anniversaire, dix-neuf mois après le diagnostic du cancer du pancréas, trois semaines avant notre troisième anniversaire de mariage. (…) Je crois que Jim mourut le seize du mois, mais c’était peut-être le quinze.

Alors que je lisais ces lignes le 15 juin 2017 (la magie des services de presse…), à un peu plus de 23H,  je réalisais que cela ferait quelques heures plus tard un an jour pour jour que Jim était mort, et que Joyce Maynard avait entamé le récit que je tenais entre mes mains.

« Un jour, tu raconteras cette histoire », lui a soufflé un jour son mari Jim.

Jim, rencontré alors qu’elle ne croyait plus vraiment à l’amour. Joyce Maynard approche de la soixantaine, a élevé seule ses enfants après un divorce douloureux et ne s’est jamais remariée. Bien sûr, elle a rencontré des hommes, mais jamais des hommes qui lui auraient donné sérieusement l’envie de s’engager avec eux et renoncer à sa sacro-sainte indépendance.

Pour beaucoup d’hommes, je prenais trop de place. Je parlais trop et ce que je disais était un peu trop direct pour certains. Je cuisinais de manière brouillonne, je riais trop fort et quand je dansais j’occupais plus de place sur la piste que les autres

Pas pour Jim, qui l’accepte dans sa spontanéité, son exubérance, sa joyeuse folie. Jim est avocat, c’est un bel homme, très intelligent et cultivé, qui est « rarement l’instigateur d’un grand coup d’audace », mais se révèle un compagnon prudent, fiable. La vie avec Jim est comme un rêve, ils sortent, voyagent, discutent, aiment cuisiner ensemble, faire des virées à moto – à l’image de la vie dont elle avait toujours rêvé. Avec Jim, Joyce Maynard apprend les « concepts de compromis, d’adaptation et d’acceptation », même si la vie commune ne s’apprivoise pas aussi facilement. Et ils se marient trois ans après leur rencontre, dans l’ambiance champêtre d’une colline du New Hampshire. La lune de miel sera de courte durée, car les médecins diagnostiqueront à Jim un cancer du pancréas un an plus tard. Joyce et Jim décident alors de se battre pour vaincre la maladie et essayer de déjouer les pronostics médicaux. C’est l’histoire de cette lutte, et leur histoire d’amour, que Joyce Maynard narre dans ce récit.

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Joyce Maynard et Jim Barringer – crédit photo @The New York Times

Ce qui lui arrivait m’arrivait aussi. Le diagnostic ne touchait pas Jim seulement, mais moi aussi

Inlassablement, elle cherche des traitements, des médecins, des hôpitaux, des malades en rémission  pour se donner de l’espoir. Le couple parcourt le pays de long en large, de rendez-vous en traitement, d’espoir en découragement – toujours de courte durée car Joyce sait rebondir. Et continuer à envisager l’avenir  pour Jim : « Parler de l’avenir nous donnait l’impression d’en avoir un ». Joyce Maynard est une battante, elle se bat pour la vie et pour leur amour. Malgré les souffrances des traitements, des opérations, des hospitalisations,  Jim fait preuve d’un courage admirable pour lutter. Mais on sait dès la première page qu’il n’y aura pas de happy end.

Je connaissais Joyce Maynard à travers quelques-uns de ses romans et par sa relation médiatisée avec JD Salinger. Je connaissais d’elle sa plume – que j’aime, des histoires et des personnages.  Autant dire que finalement, je ne savais rien d’elle. Nombreux sont les écrivains, il est vrai, qu’on n’imagine même pas en dehors de leurs livres, même s’il est vrai que les réseaux sociaux permettent de plus en plus d’approcher certains d’entre eux. Quelle femme incroyable ! J’ai noté tout au long de la lecture les adjectifs qu’elle m’inspire : énergique, sportive, exubérante, féminine, séduisante, hyperactive, libre, indépendante, maternelle, espiègle, volontaire, organisée, aimante, passionnée, optimiste, exigeante, tenace.

Son récit est à son image, passionnant,  et se dévore comme un roman. Sauf qu’ici, elle n’aura pas arrangé l’histoire à sa façon, et on en connaît  la triste issue dès la première page. Malgré cela, ce récit est empli de lumière et d’espoir. Oui, d’espoir.

Dans ses lignes, Joyce Maynard a plusieurs fois invoqué la Pensée magique, la pensée qui nous permet de nous raccrocher à un espoir. Forcément, j’ai beaucoup pensé à Joan Didion alors, qui elle aussi à travers son récit L’année de la pensée magique (voir chronique L’année de la pensée magique) évoque la perte de son époux. Deux récits qui ont permis aux écrivaines d’entamer leur travail de deuil – et de nous offrir deux témoignages honnêtes, profonds et lumineux.

J’ai quitté à regret ce livre, la pensée de Joyce et Jim restant ancrée en moi. L’injustice du départ prématuré, de l’amour brisé dans son élan m’ayant beaucoup émue. Mais c’est le sourire radieux de Joyce Maynard qui me reste en tête, et sa personnalité hors norme. Une femme incroyable, à la hauteur romanesque des héroïnes de cette écrivaine talentueuse.

 

Titre: Un jour, tu raconteras cette histoire (The Best Of Us)

Auteur: Joyce Maynard

Editeur: éditions Philippe Rey

Parution:  7 septembre 2017

8 réflexions sur “Un jour, tu raconteras cette histoire

  1. Évidemment, je veux le lire. Je dois juste attendre son arrivée au Québec! Je suis fan des romans de Joyce Maynard et de lire ce qu’elle a vécu: déchirant et tire-larmes… mais si, en plus, c’est lumineux! J’ai « L’année de la pensée magique » dans ma pal. Je suis curieuse de lire ces deux expériences de vie.

    Aimé par 1 personne

    1. Joyce Maynard fait partie de ces personnes que tu as tout simplement envie de rencontrer après avoir lu un tel récit. Je ne verrai plus ces romans sous le même angle maintenant. Elle avait écrit une biographie que je me réserve pour plus tard.

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