De si bons amis

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S’il est une auteure américaine contemporaine que j’affectionne particulièrement, c’est bien Joyce Maynard.

J’aime son talent à raconter des histoires simples et pourtant qui vous tiennent en haleine, j’aime sa plume et les personnages, toujours très incarnés, qu’elle réussit à sortir de son imagination d’une grande fertilité. Grande optimiste, sportive, énergique, passionnée, Joyce Maynard avait pourtant aussi montré dans son dernier récit très personne, Un jour tu raconteras cette histoire, ses propres failles – et l’on ne pouvait que mieux en comprendre la sensibilité si particulière de ses personnages.

De si bons amis n’échappe pas à cet art du récit que Joyce Maynard a su déployer, roman après roman et qui en fait une auteure dont on attend toujours un roman avec impatience.

Helen est une de ces héroïnes fragiles, en équilibre sur un fil – quarante ans, divorcée, elle a perdu la garde de son fils Ollie pour conduite en état d’ivresse. 

Ses droits de visite, les petits boulots qu’elle enchaîne et ses réunions aux Alcooliques Anonymes sont les seuls moteurs de sa vie. 

Sa vie qui prend pourtant un tournant inattendu le jour où, serveuse dans une soirée, elle rencontre les Havilland, couple charismatique de bienfaiteurs. 

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Helen, si transparente et insignifiante, fascine Ava Havilland au point qu’elle décide de prendre Helen sous son aile, lui confiant des travaux de photographie, et l’invitant à partager chaque jour un peu plus leur vie, que l’argent de Swift Havilland  rend si simple et si merveilleuse.

Le handicap d’Ava, rendue paraplégique suite à un accident de voiture, n’a fait que renforcer l’amour qui l’unit à Swift, un amour exubérant, charnel, tantrique, dont ils se passionnent à raconter la légende à leur entourage et ne fait que renforcer l’admiration qu’Helen éprouve pour eux.

J’étais La Petite Fille aux allumettes d’Andersen, qui, le visage pressé contre la vitre, contemple la table chargée de mets et le feu qui flambe dans la cheminée. Ce qui était inexact: ils m’inviteraient à manger, à m’asseoir près du feu. Ce qui resterait hors d’atteinte, c’était leur stupéfiante intimité.

Devenus la nouvelle famille d’Helen, les Havilland s’immiscent subrepticement dans sa vie – lui facilitant son quotidien, ouvrant les bras au petit Ollie émerveillé par cette nouvelle famille et qui trouve en Swift un modèle de héros masculin, mais injectant aussi une malveillance cachée par leur dédain lorsque Helen leur présente Elliott, le nouvel homme qu’elle vient de rencontrer.

Jusqu’à quel point peut-on utiliser le pouvoir de son argent, manipuler, mentir, se jouer des autres, les abandonner sans se retourner? 

C’est là toute l’amère expérience que Helen fera de sa rencontre avec les Havilland, une traversée du miroir où la prise de conscience aura le vertige d’un abandon et l’amertume de la trahison.

Naïve Helen? Qui n’a pas envie d’être sauvé, un jour, qui n’a pas l’envie de se sentir enfin éligible au bonheur, à l’amitié, aux bras chaleureux et ouverts d’une famille?

Je les ai regardés en face de moi, côte à côte sur la banquette. Pendant un instant, même s’ils n’avaient pas leur âge, j’ai rêvé qu’ils étaient mes parents. Ceux que j’aurais voulu avoir.

De si bons amis pourrait presque être un thriller, tant le frisson qui nous parcourt est glaçant, à mesure que l’on prend conscience que ces si bons amis sont trop brillants pour être vrais, et que le vernis si éclatant qui les recouvre n’est pas assez sec pour être authentique.

Joyce Maynard sait créer le vertige, la fascination, des personnages à la psychologie aussi fine que leur physique si bien croqué qui les rend réels. 

L’écriture, comme toujours, est d’une fluidité qu’on a plaisir à lire. Je n’aurai qu’une conclusion: vivement le prochain Joyce Maynard!

★ ★ ★ ★ ★

Titre: De si bons amis (Under the influence)

Auteur: Joyce Maynard

Editeur: Philippe Rey

Parution: Janvier 2019

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