La désertion

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Amis lecteurs qui aimez sortir de votre zone de confort, ce livre est fait pour vous.

La désertion raconte l’histoire, par fragments, d’Eva Silber, une jeune femme en marge qui disparaît du jour au lendemain.

Eva est expert-codeur nosologue à La Force, ancien bâtiment des Hôpitaux de Paris.

Dans la routine de ses journées, elle code les certificats de décès pour alimenter la Statistique, la Politique de Prévention et alerter, au besoin, les Pouvoirs Publics. Eva est une petite main, un rouage, avec un rôle majeur si on en croit son Directeur, Franck Bourgoin. Eva collecte les informations, doit déterminer les causes précises d’un décès qui permettront à la Statistique d’être la plus exacte possible, l’amenant parfois à investiguer plus étroitement sur certains cas de décès.

Le jour où Eva disparaît sans prévenir, chacun s’interroge. Qui est-elle, cette jeune femme que personne ne connaissait vraiment, qui n’avait aucun contact avec ses collègues sauf Marie-Claude avec qui elle s’est un temps liée d’amitié, et qui semble n’avoir personne d’autre dans sa vie que Paul, un homme en marge comme elle, avec qui elle a entamé une étrange relation?

C’est du point de vue de chacun que ces questionnements vont se faire: Franck Bourgoin, le supérieur hiérarchique manipulateur, maniaque et malsain, qui espionne ses subalternes à ses heures perdues, monte des dossiers sur chacun et semble avoir eu sur Eva une emprise qui s’apparente au harcèlement? Marie-Claude, la collègue et amie qui s’est détachée d’Eva lorsque celle-ci a commencé à avoir un comportement étrange et de plus en plus inadapté. Et Paul, l’amant à la fragilité psychique qui interroge, investi dans cette relation étrange car persuadé d’être entré « en collision » avec Eva. Chacun pense avoir sa propre explication sur la disparition inexpliquée d’Eva.

comprendre comment cela avait commencé, sa chute, sa pause, comme aurait dit Paul, était une entreprise inconfortable. Plusieurs évènements se présentaient à elle, elle suivait le cours de l’un, le cours de l’autre, cherchait la cause première; son moment zéro. Sans doute ceux qui se souciaient d’elle, Paul ou Marie-Claude ou Franck Bourgoin qui pensait sans doute qu’il y était pour quelque chose, auraient-ils identifié un déclencheur. Tous auraient contemplé la rupture, le décrochage sans savoir ce qu’ils regardaient.

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Démarrant avec ces témoignages successifs, le roman se révèle très vite déconcertant, comme un saut dans l’eau froide. Où nous amènent-ils, tous les trois? Leurs témoignages sont d’autant plus déstabilisants qu’ils nous perdent dans un espace spatio-temporel que l’on reconstruit au fur et à mesure, le roman se déroulant sur une période de 30 ans (si j’ai bien compté et bien suivi!) entre le moment où Eva prend ses fonctions à La Force en 2010 et celui où Marie-Claude, le jour de son départ en retraite vingt en plus tard, se souvient d’Eva, pour revenir en 2015 lorsque dans une quatrième partie, c’est au tour d’Eva de changer la perspective et de raconter l’histoire. Et c’est dans cette quatrième partie que le roman bascule, car c’est à ce moment que l’on réalise que nous n’avions rien compris à l’histoire. Comment l’aurions-nous pu d’ailleurs? Alors on reprend le roman, on retourne en arrière à la découverte des indices, qui sont là. L’impression de malaise est toujours là, car on continue malgré tout à s’interroger: sommes-nous aux frontières du réel ou de la folie? La boucle se boucle, mais notre esprit continue à cogiter. La désertion fait partie de ces romans que l’on referme et sur lesquels on continue à s’interroger – si l’on n’a pas lâché l’histoire en cours de route. Si jamais vous aviez un doute, accrochez-vous pour continuer.

Servi par une plume précise et analytique, dérangeant, étonnant, déconcertant, La désertion bouscule, assurément.

Quelques mots de l’éditeur sur l’auteur :

Après des études de lettres, Emmanuelle Lambert a rejoint l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) où elle a, notamment, travaillé avec Catherine et Alain Robbe-Grillet. A la mort de ce dernier, elle se tourne vers l’écriture et lui consacre son premier récit. Elle est aujourd’hui commissaire d’exposition indépendante. La désertion est son troisième roman.

★ ★ ★ ☆ ☆

Titre: La désertion

Auteur: Emmanuelle Lambert

Editeur: Editions Stock

Parution: 17 janvier 2018

7 réflexions sur “La désertion

  1. C’est un vraiment très particulier, très clivant. J’ai eu beaucoup de mal à entrer dedans, et c’est pour cette raison que j’ai apprécié cette fin déconcertante. Je suis moi-même bien sortie de ma zone de confort, et je ne l’ai pas regretté.
    J’avais encore oublié mes étoiles… et je réalise que mon barème était mal vu. Du coup je vais aller modifier les deux précédentes chroniques, pour être plus juste…
    Et sinon, j’ai effectivement pensé à toi pendant la lecture 😊

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  2. Il m’a l’air assez compliqué à suivre !! Je ne sais pas si j’aurais le courage de m’y plonger. En plus, quand il faut retourner en arrière, chercher, pour mieux se remémorer, ça m’agace (je n’ai aucune patience haha). A mon avis, il n’est pas pour moi!

    Aimé par 1 personne

    1. Je comprends – j’ai vraiment eu le sentiment de sortir de ma zone de confort en le lisant, j’ai failli abandonner en cours de lecture, la première partie m’a dérangée. Au final, je ne regrette pas cette lecture. Mais elle est difficile à recommander. Je crois que j’ai oublié de mettre une note, il faut que je retourne voir…

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