LaRose

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Nous sommes en 1999. Alors que s’ouvre la chasse au cerf dans cette réserve indienne du Dakota du Nord, Landreaux Iron s’arme de son fusil pour honorer la tradition. Mais le cerf qu’il voulait abattre s’échappe, et c’est Dusty, le fils de ses voisins et amis qui s’effondre. Comment rendre cet enfant de cinq ans à ses parents inconsolables? Une décision, commandée par une tradition ancestrale ojibwé s’impose à Landreaux: il offrira son fils LaRose à Peter et Nola Ravich, les parents de Dusty.

Je donnerais ma vie pour te rendre Dusty, assura-t-il. LaRose est ma vie. J’ai fait du mieux que j’ai pu

Et ce en dépit de son chagrin immense, de celui qu’il inflige à sa femme Emmaline, à ses quatre autres enfants, et surtout à ce petit LaRose de cinq ans qui ne comprend pas pourquoi comment il va pouvoir remplacer son ami Dusty dans cette nouvelle famille.

Mais LaRose est un enfant spécial, cinquième du nom depuis plus d’un siècle.

Jusqu’à la naissance du petit dernier, ils s’étaient refusés à appeler un de leurs enfants LaRose. C’était un prénom à la fois simple et puissant, qui avait appartenu aux guérisseurs de la famille. Ils avaient résolu de ne pas l’employer, mais c’était comme si LaRose était venu au monde avec

A travers cette histoire, qui interroge la culpabilité et son fardeau, la justice, la possibilité de la rédemption, c’est la culture de toute une nation amérindienne que l’auteure relate à travers les personnages fondateurs de cette dynastie des LaRose: depuis Mirage, petite fille ojibwé dont la mère Vison sera tuée par son maître et qui à son tour assassinera ce monstre qui la hantera toute sa vie mais lui permettra aussi de prendre conscience de ce pouvoir de se déplacer entre les mondes visible et invisible, qu’elle transmettra aux autres LaRose, ses descendants – jusqu’au petit dernier, sacrifié et en même temps sauveur.

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Ojibwa 1910 @margaret guinon

C’est un roman très dense, long, au rythme soutenu dans lequel les dialogues s’insèrent sans guillemets, sans pause, sans repos. Un récit entrecoupé entre présent et passé, me perdant un peu au début, et qui m’a donné du fil à retordre. J’ai dû m’accrocher dans ce récit, qui navigue entre de nombreux personnages (tous, au demeurant, superbement dépeints par l’auteure, les rendant exécrables ou attachants, voire exécrables puis attachants) mais pourtant, je n’ai pas eu envie de lâcher cette lecture. Quelque chose m’y retenait: un esprit indien qui plane au-dessus du récit?

Le portrait de cette société et de cette culture indienne est en fait passionnant: ses souffrances, les fléaux de l’alcool et de la drogue qui condamne une population dont on a annihilé les repères, ses croyances, son mysticisme, les rites tribaux auxquels elle se raccroche encore. J’ai repensé aux réserves indiennes traversées lors de mon voyage dans l’Ouest américain, à cette distance affichée dans l’oeil des indiens croisés, et le sentiment d’empiéter sur des terres qui ne sont pas les nôtres.

Je n’avais jamais lu Louise Erdrich, et je pensais naïvement lire un roman américain.

Mais ce roman parle de la Nation Indienne dans l’Amérique d’aujourd’hui, et c’est une grande différence.

Louise Erdrich, à moitié amérindienne par sa mère Ojibwé, est une figure emblématique de la littérature Indienne. Elle appartient au mouvement de la Renaissance amérindienne, le renouveau de cette littérature amérindienne.

Qu’est-ce qu’être indien aujourd’hui? Je suis bien entendu incapable de répondre à cette question, mais j’ai aimé les pistes de réflexion sur lesquelles m’a envoyée Louise Erdrich. A l’instar de ce débat entre Hollis et son père biologique Roméo:

Je vais entrer dans la National Guard. J’ai un rendez-vous.

Bouche bée, Romeo fit signe à Puffy d’apporter les bières au plus vite.

Depuis qu’ils ont attaqué les Tours jumelles, reprit Hollis, j’y pense. Mon pays m’a bien traité.

Quoi? Romeo était scandalisé. Mais tu es un Indien!

Je sais, oui, les Blancs nous ont pratiquement anéantis. Mais quand même, les libertés, non? Et on a des écoles, des hôpitaux, et aussi le casino. De nos jours, quand on foire, en général, on foire perso.

T’es fou ou quoi? On appelle ça le traumatisme intergénérationnel, mon garçon. C’est pas notre faute s’ils nous cantonnent à un statut inférieur; ils ont ravagé notre culture, notre structure familiale, et par-dessus tout on a besoin qu’ils nous rendent nos terres.

Au final, après m’être interrogée pendant toute cette lecture, je peux dire que j’ai apprécié ce roman, pour autant je ne saurais le recommander à un large public.

★ ★ ★ ★ ☆

Titre: LaRose

Auteur: Louise Erdrich

Editeur: Albin Michel

Parution: janvier 2018

9 réflexions sur “LaRose

  1. Un billet intéressant – j’apprécie ces auteurs qui parlent des « indiens » d’aujourd’hui, et pas ceux fantasmés par Hollywood. Et la vie quotidienne des réserves qui est loin d’être gaie. Mais ce roman, un vrai coup de coeur ! La culture est ici omniprésente, tu as raison, elle plane au-dessous de nous et moi je m’y sens chez moi 😉

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