Georg, le mari d’Ellinor, vient de mourir. Après avoir vendu la maison dans laquelle ils ont vécu, malgré le mécontentement des fils de Georg, elle quitte cette banlieue huppée de Copenhague et retourne dans le quartier populaire de son enfance, Vesterbro.
A soixante-dix ans, Ellinor fait le bilan de sa vie en écrivant une lettre à sa meilleure amie, Anna, morte quarante ans plutôt dans une avalanche dans les Dolomites, aux côtés du mari d’Ellinor, Henning. Elle découvrira, à la mort de ces derniers, qu’Anna et Henning étaient amants.
Leur nouvelle situation maritale, veufs et de surcroît trompés sans pouvoir comprendre cette histoire, va rapprocher Ellinor de Georg, au fur et à mesure qu’elle l’aide à s’occuper de ses jumeaux orphelins.
Dans un long monologue, où elle s’adresse à cette amie qu’elle a continué à aimer malgré une trahison à laquelle elle cherche toujours des explications qui dédouanent Anna de toute trahison, Ellinor affronte les griefs de ses beaux-enfants, et revient sur ce qu’a été sa vie, cette vie auprès de Georg et de ses fils qu’elle a vécu à la place d’Anna.
Tout en se détachant de sa vie actuelle et de la famille qu’elle a su aimer, Ellinor déroule le fil d’une vie pas si transparente qu’elle n’y paraît, dévoilant le lourd secret de son origine, les reliefs de son couple avec Henning, ses interrogations sur la relation qu’il entretenait avec Anna, son rapprochement avec Georg, l’enfant qu’elle n’a pu donner à aucun de ses deux maris…
Un cheminement personnel vers l’apaisement, vers une autre vie qu’Ellinor l’effacée va choisir sans subir, pour une fois, les évènements qui ont toujours décidé pour elle

.
Tout passe, tout finit par passer. Je me rends compte que mon récit doit paraître désabusé, mais je ne suis pas quelqu’un de triste, tu le sais bien. Je suis joyeuse, intérieurement. Quelle n’est pas ma joie, comme dit le cantique, même si je ne la montre pas toujours. Tout ça, c’est juste quelque chose qui finit par passer
Ce court roman est ma première incursion dans l’oeuvre de l’écrivain danois Jens Christian Grøndahl – et je dois avouer ici mon manque de connaissance complet de la littérature nordique.
Le ton, qui apostrophe d’emblée par le « tu » celle a qui s’adresse Ellinor, m’a déconcertée:
Voilà, ton mari est mort lui aussi, Anna. Ton mari, notre mari. J’aurais aimé qu’i repose à côté de toi, mais tu as déjà des voisins, un avocat et une dame qui a été enterrée il y a deux ans
Et au-delà du ton, c’est l’attitude d’Ellinor qui m’a surprise. Question de génération? Peut-on se mettre dans la tête d’une femme de 70 ans qui pourrait être notre mère?
J’ai détesté son manque d’amour propre envers l’attitude d’Anna, son manque de colère envers l’homme qui l’a trahie. J’ai détesté son manque de caractère.
Et puis, petit à petit, au fur et à mesure qu’elle se dévoile, mon empathie a pris le dessus. J’ai oublié le ton qui me dérangeait pour comprendre l’histoire de cette femme qui a porté en elle la honte du secret indicible, la honte des origines. Alors comment ne pas comprendre son besoin d’apaisement dans la dernière ligne droite de sa vie, son besoin de retour aux sources, à soi, à l’essence de sa vie?
Un roman subtil dans le fond, mais dont la forme toutefois ne m’aura pas pleinement convaincue.
Quelle n’est pas ma joie fait partie de la sélection du Grand Prix de L’Héroïne 2018 dans la catégorie roman étranger.
★ ★ ★ ☆ ☆
Titre : Quelle n’est pas ma joie (Tit er jet glad)
Auteur: Jens Christian Grøndahl
Editeur: Gallimard
Parution: 2018
2 réflexions sur “Quelle n’est pas ma joie”