Einstein, le sexe et moi

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Soirée télé.

Oui, ça m’arrive rarement. Et encore plus rarement quand il s’agit d’un jeu télévisé!

Il m’a fallu à peine une petite soirée pour ce « Question pour un champion » exceptionnel, avec en special guest star un romancier qui est en train de se tailler une place de choix avec son second roman, Einstein, le sexe et moi.

En quatre manches, Olivier Liron m’a mise KO sur le ring du jeu. Un KO hébété, heureux, désarmé, révolté aussi.

A ceux qui ne le sauraient pas encore, Olivier Liron est autiste Asperger – je situe les choses comme lui, d’emblée, dans son roman, nous invite d’emblée dans son monde, fait d’habitudes immuables, de difficultés à appréhender les autres, d’émotions décuplées, et de dates, toutes les dates possibles et imaginables.

Sa mémoire est prodigieuse, ses centres d’intérêt aussi variés qu’inattendus, Olivier est le candidat idéal pour ce Question pour un super champion, la finale des meilleurs candidats!

Sauf que le jour de l’enregistrement, Olivier se réveille tard, tellement tard qu’il a à peine le temps d’enfiler une chemise, d’attraper son sac avec des vêtements de rechange pour les différentes prises et de se rendre en hâte aux studios de Saint-Denis. Et c’est une folle journée qui va commencer pour lui, entre les attentes et les parties qui vont s’enchaîner. Olivier veut gagner, il s’est préparé, entraîné, comme un sportif en vue de la compétition.

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Au gré de ces moments, des questions, des réponses et des points qui s’accumulent, jeu et digressions personnelles s’entremêlent, tirades fabuleuses d’humour, de tendresse, d’émotion.

Il y a quelque chose qui s’est dénoué en moi. J’ai revu toutes mes années d’enfance, perdu entre les rideaux de mousseline du salon, tournant sur moi-même dans la clarté qui inondait les rideaux jusqu’à m’abolir dans la liberté rêche de la mousseline…

J’ai vu des étoiles et des vagues et des icebergs et des océans, j’ai vu une route de campagne où le ciel est bleu et où l’on s’aimerait pour la vie, j’ai vu Nadine Morano faire l’amour avec Jean-Luc Mélenchon, j’ai vu des flocons de neige verte sur des étendues sans fin, j’ai vu le petit matin sur Budapest et sur Zagreb et sur mon enfance et sur ma mort, j’ai vu la grâce sous la forme d’une petite vague qui venait me manger dans la main…

J’ai regardé Julien, j’ai appuyé sur le buzzer:

– La groseille!

– C’est oui! Et c’est gagné!

Olivier Liron invite le lecteur dans son univers intime, sans filtre, sans fard, sans tabou confesse les blessures profondes de l’enfance, le regard des autres – impitoyable, cruel et violent – sur sa différence, le harcèlement qui en découle, son premier amour intense et déchirant pour Barbara, la question de la sexualité si compliquée, son émotion jouissive face à un tableau de Rothko, sa tendresse pour sa grand-mère Josefa, son amour inconditionnel pour la littérature et la poésie:

J’ai découvert Victor Hugo et Walt Whitman. Emily Dickinson et Sylvia Plath. Je crois vraiment que sans la poésie je serais mort. J’avais des fantasmes secrets pour l’extase de la chair, et il y avait la poésie pour la masturbation de l’âme. Je crois vraiment que s’il n’y avait pas eu ça je me serais foutu en l’air

Et surtout, il décortique le jeu au fur et à mesure de la partie, peignant un portrait drôle, incisif et percutant des différents candidats.

Quant au présentateur vedette, Julien Lepers, il n’est pas en reste. Tellement saisissant de réalisme qu’on ne sait plus si on regarde la télé ou si on lit un livre!

Julien Lepers, perdu dans ses bredouillements, dans les prénoms des candidats qu’il semble à peine écouter, clown triste et pathétique qui loin des figures glorieuses de la télé pour les plus de soixante ans évoque plutôt un animateur de promotions au supermarché du coin.

Grâce à ce jeu, Olivier Liron a pu changer de vie, et se consacrer à l’écriture, à laquelle il insuffle un humour intelligent, une sincérité qui prend aux tripes, et des instants de poésie lumineuse.

J’ai dévoré Einstein, le sexe et moi – j’en suis ressortie émue, et surtout très en colère contre ceux qui ne savent pas percevoir la richesse de la différence. La victoire et le succès d’Olivier Liron sont une formidable revanche sur la vie, et une belle reconnaissance de son extraordinaire personnalité.

★ ★ ★ ★ ★

Titre: Einstein, le sexe et moi

Auteur: Olivier Liron

Editeur: Alma

Parution: Août 2018

6 réflexions sur “Einstein, le sexe et moi

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