Douce

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Douce.

Je peux vous le dire maintenant: Douce m’a bouleversée.

Douce, c’est une amie, une soeur, un reflet de soi dans un miroir à un instant donné.

Douce, c’est l’histoire d’une femme, et à travers elle, de tant d’autres femmes.

J’ai voulu attendre pour vous parler d’elle. Laisser passer le flot de ceux et celles qui l’ont lue.

Vous la présenter dans un écrin. 

Comme si, égoïstement, j’étais la première à vous en parler.

C’est elle, Douce qui vous racontera l’amour fou qu’on ne pressent pas venir, les rouages de la passion qui emporte, l’emprise totale qui aveugle.

Vous, vous verrez peut-être, d’emblée, le pervers narcissique, le manipulateur. L’homme égoïste, que tout sépare d’elle. L’âge, la géographie, les idées sur la vie, un mariage.

Vous verrez le danger, celui qu’elle a aussi pressenti, sur le qui-vive, intuitive. Mais qu’elle n’a pas pu, pas voulu esquiver. 

Huit ans de montagnes russes, transportée vers les sommets de l’amour éblouissant et dévorant, aimée, dévorée, chosifiée, puis happée par la chute vertigineuse, par l’attraction vers un désastre annoncé et inévitable.

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photo @Lucien Clergue

Avec toujours entre eux, celle plus présente qu’une autre femme, qu’il lui impose:

Mon premier, c’est Noël. Mon deuxième, la Saint-Sylvestre. Mon troisième, la Saint-Glinglin. Mon tout est répétitif. Qui suis-je? L’absence

L’histoire de Douce pourrait être banale. Parce qu’aussi beau et puissant soit-il, finalement, l’amour fou est banal et revient toujours à la même équation : (passion + sexe) x souffrance / (trahison + lassitude) = zéro

Mais Sylvia Rozelier l’a sublimé par la sensibilité extrême de son écriture.

Douce est un écho, l’écho de tranches de vies qui donne des coups de poings dans le ventre – siège de nos émotions les plus intimes, plaisir, angoisse, douleur. 

Sylvia Rozelier a cette capacité à retranscrire l’indicible, avec une acuité qui vous transperce, qui traduit ce que vous n’avez peut-être jamais su exprimer, mais ressentir, oui.

Des fulgurances intuitives, de celles où soudain une vérité apparaît, palpable concrète, implacable et liquéfiante.

A l’image de Douce, qui soudain voit, comprend la trahison livrée à son regard:

Une femme que jusqu’alors je n’avais jamais remarquée.

Silhouette floue. Longiligne. Tunique de plage et jambes frêles. Elle revenait de derrière les parasols, s’avançait à pas lents. Lointain encore, son visage aux contours indistincts. Quand elle fut parvenue à ta hauteur, tu t’es levé pour lui avancer la place libérée, l’image s’est précisée. Elle m’a sauté aux yeux, à la gorge. J’avais en face de moi la femme qui t’avait fait déplacer toute une assemblée.

Et qui se retrouve prise dans les filets tissés de paranoïa du doute.

Je vous inventais des rendez-vous, des éclats de rire, des plaisanteries. Je n’étais plus moi-même, j’avais l’impression de devenir folle. Je me reprochais ma jalousie nouvelle et indéracinable. Evidemment je gardais tout ça pour moi. Je souffrais en silence. Tu continuais à me déclamer ton amour par texto. J’essayais de garder mon calme, mais c’était une posture. La corde du chagrin qui se tendait était proche de se rompre. C’était sans répit. J’essayais de lutter, de comprendre quand ça avait pu se gripper entre nous, comment on en était arrivés là. Là où? Je ne savais plus où j’en étais, ce que représentait cette femme pour toi, une main sur le dossier de la chaise, une aventure d’un soir, une relation plus sérieuse, peut-être même étais tu tombé amoureux, ou rien, peut-être avais-je tout inventé, comment savoir?

Sylvia Rozelier a su retranscrire, finalement, l’universel – je mets au défi toute femme qui la lit de ne pas se reconnaître à un moment donné dans ces sentiments qui l’étreignent, que ce soit dans le transport vertigineux de l’amour, dans la folie qui paralyse toute raison ou dans l’étreinte de la tristesse des lendemains où l’amour s’esquive.

Avec Douce, Sylvia Rozelier offre un texte puissant sur l’amour fou, un voyage qui emmène sur des chemins imprévisibles et déroutants. J’ai aimé son écriture sensuelle, ciselée, haletante. Elle m’a réconciliée, surtout, avec le « tu » narratif qui dans maints romans m’a été si pénible. Il trouve ici toute sa place et son évidence.

Douce a été un de mes coups de coeurs de la rentrée littéraire de septembre.

★ ★ ★ ★ ★

Titre: Douce

Auteur: Sylvia Rozelier

Editeur: Editions le Passage

Parution: Août 2018

Une réflexion sur “Douce

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