JO de Mexico, 1968 – un grand gars dégingandé de 21 ans efface la barre au saut en hauteur à 2,24 mètres. Record mondial et médaille d’or olympique, mais surtout consécration d’un saut dorsal qu’il a inventé : le Fosbury Flop.
L’appel n’est pas une biographie de Dick Fosbury.
C’est le roman d’un garçon qui s’appelle Richard, un gamin entraperçu sur une photo par l’auteure dans les yeux de celui qui se cachait derrière ses mains pour se concentrer avant de sauter.
Après l’échauffement, lorsqu’il se met en place devant le sautoir, ses réflexes reviennent tout seuls. Le balancement d’avant en arrière, le franchissement des paliers de concentration, tout se déroule dans l’ordre et il repousse l’émotion qu’il sent poindre en s’emmurant dans le silence. Il respire profondément et visualise sa course d’appel, son impulsion, puis convoque cette énergie étrange qui l’a propulsé par-dessus la barre, le corps à cent quatre-vingts degrés, bras et jambes tendus.
Comment nait une vocation, comment elle se déploie: c’est cet appel intime que Fanny Wallendorf s’attache à raconter dans ce beau et sensible premier roman.
A travers l’itinéraire de Richard, depuis les bancs de l’école à Portland, Oregon, jusqu’aux Jeux Olympiques de Mexico, Fanny Wallendorf raconte avec brio le dépassement de soi d’un gamin même pas plus sportif qu’un autre, mais entêté à réussir dans ce sport où les entraîneurs les uns après les autres, renoncent à l’entraîner.
Avec son drôle de corps, ses bras trop long, Richard découvre le plaisir physique du sport et bientôt une capacité particulière à entrer en soi pour se concentrer. Richard travaille à l’instinct. D’abord, il perfectionne sa course d’appel « jusqu’à ce que son corps acquière une connaissance inconsciente des mouvements à accomplir ». Puis, par accident, après des milliers de tentatives de sauts aux ciseaux puis ventraux, il découvre qu’il peut enfin améliorer son saut en franchissant la barre en dorsal – une technique non répertoriée mais contre laquelle aucun règlement ne peut s’opposer.
Peu lui importent les railleries, les menaces de disqualification, les humiliations des coach qui veulent le faire renoncer: celui qu’on surnomme l’Hurluberlu va finir par fasciner les journaux et à force de foi en sa technique, parvenir aux sélections des JO, alors que pèse sur lui la menace d’une convocation de l’armée pour partir au Vietnam.
S’élevant à 2,21 mètres, Richard réalise éberlué le meilleur saut mondial de l’année. Il a franchi deux centimètres de plus que lors du dernier championnat, qui s’est tenu seulement trois semaines plus tôt. Une logique impossible à décrire est à l’oeuvre. Sa joie est immense. Pour la première fois, il s’interroge: quand tout s’arrêtera, quand il aura atteint le plus haut point qu’il puisse atteindre, le saura-t-il de façon indéniable? Que vivra-t-il alors? Pour l’heure, la confiance l’habite. Les sensations prennent le pas sur ses pensées.
Fanny Wallendorf nous emporte dans le sillage de Richard, personnage éminemment attachant.
Elle réussit l’exploit d’insuffler une vraie dynamique physique à ce roman en retranscrivant l’énergie qui se dégage du corps de son héros, un corps décortiqué, analysé, déplié dans l’effort qui se succède page après page.
Rassurez-vous – il ne s’agit pas que de sport (j’aurais fermé très vite le livre!!!), c’est avant tout un parcours de vie, l’apprentissage d’un jeune garçon qui a foi en quelque chose de plus haut que lui – mais qu’il va réussir à dépasser à 2,24 mètres.
Une très belle écriture rend cette lecture particulièrement vivante et agréable – Fanny Wallendorf, traductrice, réussit l’exploit de nous livrer en littérature française un vrai roman « américain » dans la veine du roman d’apprentissage que j’aime tant.
★ ★ ★ ★ ☆
Titre: L’appel
Auteur: Fanny Wallendorf
Editeur: Editions Finitude
Parution: Janvier 2019
ce roman fait partie de mes prochaines lectures, impatiente de le découvrir à mon tour!
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Ah tant mieux ! Il faut que ce roman soit mis en avant, il est vraiment réussi et le thème du sport (même si le dépassement de soi est une valeur universelle et pas seulement sportive) peut plaire à un large public
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Hâte de le lire !!!
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