Connaissez-vous le Nord du Cotentin, cette langue de terre qui plonge dans la mer et qui ressemble à l’Irlande? C’est là, sur cette terre sauvage, que Joseph vit seul dans sa ferme, depuis que la maladie a vaincu son épouse.
Mais Joseph, en ce jour, se réjouit des nouvelles promesses de la vie: il peaufine avec fierté le berceau de bois qu’il a fabriqué pour sa petite fille à naître. Jusqu’au moment où le téléphone sonne pour lui annoncer une terrible nouvelle: l’avion dans lequel se trouvaient son fils, le futur papa, avec son compagnon, s’est crashé en mer. Emmanuel et Béranger avaient dans l’élan de cette nouvelle vie tout prévu, tout contractualisé : la mère porteuse soigneusement choisie au Canada alors qu’ils résidaient aux Etats-Unis, la location de l’appartement en attendant l’adoption du bébé, les séances d’haptonomie,… Tout, sauf leur disparition soudaine et tragique.
Joseph ne réfléchit pas: s’il ne peut pas faire le deuil de son fils faute de dépouille, Emmanuel continue à vivre à travers cette petite fille qui bientôt viendra au monde. Alors, muni de ses petites économies, de ses quelques mots d’anglais et de sa débrouillardise, Joseph s’envole pour le Canada pour retrouver coûte que coûte la mère porteuse avec une seule idée en tête: ramener la petite avec lui, faisant fi de toute contrainte.
La rencontre avec Abigail, la jeune mère porteuse, va pourtant malmener ses projets. La jeune femme farouchement déterminée est bien décidée à ne pas laisser entrer le vieux normand barbu dans sa vie, et encore moins à le laisser repartir avec la petite…
Fanny Chesnel n’a pas choisi le biais du drame pour son second roman.
Cette jeune femme élégante et dynamique a insufflé sa gaieté naturelle à son récit, lui donnant un ton vif, avec un art du rebondissement parfaitement maîtrisé.
Fanny, quand elle n’écrit pas des romans, écrit des scénarios.
Et cela donne une histoire qu’on lit avec cette impression de regarder un film qui fait du bien.
Les dialogues sont enlevés, ponctués d’humour et de tendresse
Il faut entendre Joseph et Abigail converser, dans ce langage d’outre-Atlantique mâtiné d’anglais et de français.
On se surprend à entendre cet accent acadien qui résonne dans notre tête, et à poursuivre de temps à autre la lecture à voix haute rien que pour le plaisir d’avoir sur le bout de la langue cette prononciation étrangement familière mais inimitable:
Deux grosses larmes coulent bientôt le long de ses joues, au milieu d’un salmigondis d’amertume inaudible: bitch… marre… besoin… alone… et moi dans tout ça… qu’est-ce que… Il patiente un instant avant d’oser passer un bras autour de ses épaules minuscules. T’es un généreux, toi, renifle-t-elle en redressant le menton. Moi, je suis une paumée. On me fuit d’habitude. Les chums sont nice vite fait, jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent, je ne suis pas dupe. Qu’est-ce que tu as à être gentil comme ça? T’es-tu désespéré à ce point-là?
Le berceau se lit comme une échappée consolatoire, bienveillante et traite avec apaisement de la mort, de sujets sociétaux tels que le mariage gay et son acceptation, de la GPA, ainsi que des nouveaux schémas familiaux des familles recomposées.
★ ★ ★ ☆ ☆
Titre: Le berceau
Auteur: Fanny Chesnel
Editeur: Flammarion
Parution: 6 février 2019
J’étais moyennement convaincue par le résumé de prime abord, j’avais peur que ça fasse un peu trop scénario peu crédible façon téléfilm… Mais les quelques avis que je lis me font dire que ce n’est peut-être pas si mauvais que ça !
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Ce n’est pas de prime abord la littérature vers laquelle je me tourne instinctivement, et c’est une jolie surprise car on n’est pas ici dans le mièvre, l’affaire est rondement menée et j’ai trouvé l’histoire au final plutôt convaincante
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