Voici une façon bien singulière de raconter la seconde guerre mondiale, sujet sur lequel vous êtes nombreux je sais à apprécier les romans.
Julien Jouanneau a choisi de nous surprendre en faisant de Ludwig, un chien, le narrateur de cette histoire dans la grande histoire de la guerre.
Hannah, sa jeune maîtresse, l’a baptisé du prénom de celui dont elle aime tant la musique, qui apaise le vacarme de la guerre mais n’aura pas raison des Crieurs le jour où ils débarquent pour l’arrêter.
Ludwig, c’est l’idée qu’il faut toujours garder l’espoir, s’accrocher avec ténacité.
Lorsqu’il voit Hannah monter dans un des wagons du serpent de fer et de bois, à son image de chien fidèle il ne se résigne pas à l’abandonner – courant entre les rails, toujours tout droit, il entreprend une de ces odyssées que seuls les espoirs démesurés motivent. Ne pas abandonner Hannah.
Si le monde de Ludwig tourne autour de sa maîtresse, qui a toujours oeuvré à développer l’intelligence de son chien, il s’est fait de tout ce qui l’entoure une idée précise.
De la guerre, d’abord, dont les Crieurs ont envahi la France, et harcèlent le peuple dans la rue. Il a vu cette étoile jaune qu’Hannah doit porter, et la cruauté quotidienne des Crieurs à son égard. Il entend ses Semblables au bout des laisses des Crieurs, qui aboient autant que leurs maîtres hurlent après la population. Mais surtout, le monde de Ludwig est fait de Fantômes, toutes ces parfums que le puissant odorat du chien capte, trie, aime, déteste, classe, définit.
Chaque être, chaque chose a son Fantôme et ce sont eux qui vont guider Ludwig dans le périple qui, espère-t-il, va le mener jusqu’à la destination de sa maîtresse – un parcours initiatique qui va marquer au fer rouge de la cruauté humaine son corps et son être.
Après un après-midi à jouer avec les effluves, à les faire apparaître ou disparaître, je parviens à les hiérarchiser, des plus amicales aux plus dangereuses, des plus agréables aux plus sournoises. Je réussis à convoquer des senteurs du passé. Je me couche, ferme les yeux et me concentre.
De façon plus universelle, Ludwig est l’illustration du dépassement de soi, de la capacité à surmonter les obstacles et de se relever des plus terribles épreuves pour atteindre un but.
Dans ce récit au présent, indispensable pour le rythme de l’histoire, Julien Jouanneau ne perd jamais de vue que Ludwig est un chien. Mais tout cela tient parce que le récit de cette France déchirée par le nazisme sous cet éclairage est inattendu et rend Ludwig attachant. En outre, l’auteur a su jouer de la sensibilité et de la délicatesse de son écriture pour renforcer l’émotion de son roman.
N’ayant d’ordinaire pas d’appétence énorme pour les canidés, dont la fidèle affection a surtout tendance à m’agacer, j’ai été sensible à celle de Ludwig et je salue l’audace et l’acuité de l’auteur à avoir su investir un tel personnage.
Si à certains moments les extraordinaires facultés cognitives de Ludwig peuvent sembler surprenantes, Julien Jouanneau souligne, documentation à l’appui, que les traits d’intelligence prêtés à son personnage sont basés sur des études et des faits avérés.
Merci aux éditions Flammarion pour cette découverte
Titre: Le voyage de Ludwig
Auteur: Julien Jouanneau
Editeur: Flammarion
Parution: 28 mars 2019