A Cerocachi, dans la Sierra Madre, les rêves sont trop loin pour qu’on puisse les voir.
Magdalena, la fille de Don Armando, le maire du village, a décidé de partir voir de quoi ils avaient l’air.
Dans ce village de montagne mexicain, John Harper est attendu pour toréer.
C’est Antonio, ami d’enfance et fils de son mentor qui l’a envoyé là pour effacer une dette de jeu. Le Gringo Torero, comme on l’a déjà surnommé avant qu’il arrive, n’est pas complètement mexicain ni américain, pas complètement torero ni vraiment cowboy, mais il caresse le doux secret d’être le fils caché de Robert Redford dont il a les cheveux blonds.
Là-haut, à Cerocachi, les gens sont un peu fous, à trop mordre la poussière entre eux, alors ils attendent du spectacle, du vrai – et Don Armando, ancien karatéka, est prêt à tout pour leur en donner! Evidemment, la corrida ne tourne pas comme elle aurait dû, et le gringo se retrouve dans un road trip avec Miguel, le frère de Don Armando, pour aller sauver Magdalena, quelque part en danger dans Tijuana.
Embarquant avec eux une serveuse et son grand-père qui abrite l’esprit d’un vieil indien, avalant des kilomètres d’asphalte tandis que l’amour naît sur le siège arrière du pick up, les deux compères malgré eux n’ont pas d’autre choix que d’aller au bout de leur mission: ramener vivante et coûte que coûte Magdalena.
Adela sourit. Harper les laissa poursuivre leur conversation à l’arrière du pick-up. Miguel semblait gagner du terrain. Harper s’installa au volant aux côtés de Jeromo Miranda Miranda qui était là où on lui disait d’être. N’ayant connu aucun de ses aïeux et n’ayant rêvé de son père qu’à travers des fantaisies de gosse, Harper ne trouvait pas désagréable d’avoir un parent durant quelques heures, un papi sénile que l’on aurait laissé à l’avant pour qu’il puisse se goinfrer de chocolat en regardant le paysage. C’était comme ça qu’il imaginait les grand-pères, des être inoffensifs et somnolents qui gardaient leurs forces pour les grands évènements.
C’est loufoque, poétique, brut, et sensible.
Ça pourrait être du John Fante revisité, Arturo Bandini serait devenu un John Harper qui rêve non pas d’être écrivain mais torero. Peut-être parce qu’on sent la poussière, peut-être parce qu’il y a Adela cette serveuse mexicaine qui aurait pu être Camilla. Parce que les personnages sont des anti-héros égratignés, mais drôles et tendres.
On a oublié en prenant la route vers la montagne, dès le début du roman, que l’auteur est français: on a complètement basculé dans la littérature américaine, celle des grands espaces et des road trip sur les rubans sans fin de bitume, celle des tripots où on n’efface les dettes qu’à coups de gros calibres, celle des indiens, celle des rêves de chercheurs d’or, celle des frontières à travers lesquelles on se glisse pour fuir un pays. Et surtout, celle qui fait des livres des films formidables – Matador Yankee ressemble à un film, à la fois simple comme ses héros et spectaculaire comme leur épopée.
Matador Yankee est le lauréat très mérité du Prix Orange du Livre 2019.
Titre: Matador Yankee
Auteur: Jean-Baptiste Maudet
Editeur: Editions Le Passage
Parution: 2019