Cette année, j’ai partagé avec vous deux ouvrages éclairants sur la légalisation de la contraception, l’avortement, et de façon plus large, sur les droits des femmes (Tristes Grossesses et Ma vie sur la route Gloria Steinem).
Aujourd’hui, je vous en présente un troisième, qui retrace aussi un parcours de lutte pour les droits de la femme: Terrible vertu.
Terrible Vertu est une biographie romancée de l’américaine Margaret Sanger, grande militante du droit à la contraception et à l’avortement du début du 20ème siècle.
La connaissiez-vous? Moi pas.
Margaret Sanger, 1915
Quel parcours pour cette femme issue d’une famille pauvre et trop nombreuse, dont la mère s’est usée avec treize grossesses!
Je pensai à mes propres terreurs d’enfance, que personne n’avait remarquées ni consolées. Soudain, j’étais furieuse. Furieuse contre la désinvolture de mon père; contre l’incapacité de ma mère à réagir et, bien qu’elle eût gâché sa santé et usé sa vie pour nous, contre son égoïsme; contre une société qui permettait que des enfants viennent au monde sans être désirés ni aimés.
C’est au coeur-même de cette famille que sa révolte a commencé, en observant le calvaire de sa mère. Ayant eu la chance, grâce à ses deux soeurs aînées, d’entreprendre des études d’infirmière, Margaret se révèle très vite déterminée et très curieuse de la vie. Elle se découvre également un formidable appétit sexuel – avoir du plaisir, oui, mais surtout pas d’enfant. Elle utilise alors un outil fort méconnu mais qui va changer sa vie: le préservatif!
C’est par l’engagement politique, avec son mari, qu’elle débute sa carrière de militante. Très vite, elle décide de consacrer sa vie entière à la cause des femmes: combien d’entre elles, harassées par de trop nombreuses grossesses, la supplient de lui donner le secret pour ne plus avoir de bébé!
Mais si la contraception est interdite, son incitation l’est encore plus. Rien ne va arrêter Margaret Sanger, même pas la prison, même pas les terribles erreurs qu’elle commet en faisant passer ses propres enfants après sa cause, même pas un homme – surtout pas un homme, en fait. Margaret est une séductrice, son appétit sexuel intense toujours aux aguets. Libre, elle veut l’être, même mariée.
Grâce à son combat, malgré la tuberculose qui la ronge depuis sa jeunesse, Margaret va ouvrir un centre, ancêtre du planning familial, où elle va enseigner à des centaines de femmes à gérer leur fertilité. Et surtout, elle va contribuer à la création de la pilule contraceptive et à la légalisation de la contraception.
Ellen Feldman retrace le parcours de cette personnalité féminine hors norme, libérée, soixante-huitarde avant l’heure. Elle fait de Margaret Sanger la narratrice de sa propre histoire, dans laquelle différentes figures, parmi lesquelles son mari, sa soeur, ses amants, son fils, apportent leur témoignage et donnent un éclairage sur des facettes beaucoup plus controversables de sa personnalité,.
La forme romanesque a cet avantage qu’elle nous rapporte au plus près la vie d’un personnage, la contrepartie étant la crédibilité qu’on peut y apporter. La personnalité nymphomane de Margaret Sanger m’a fait sourire mais donne un aspect parfois léger à cette histoire. Pourtant, je ne doute pas que l’auteure soit allée au plus près de la personnalité de cette femme – en avance sur son temps, elle aura oeuvré non seulement à faire avancer le droit des femmes et la science, mais aussi à les libérer sexuellement.
Connaître son histoire, c’est savoir à qui nous devons, en partie, notre liberté d’être femme et sans entrave aujourd’hui.
C’est remonter notre histoire, apprendre qu’en matière de contraception, la France était plus en avance que les Etats-Unis au début du 20ème siècle – Margaret Sanger a d’ailleurs beaucoup appris en venant à Paris.
C’est ne pas oublier que nos droits, chèrement acquis, sont très fragiles et qu’un tel combat, au niveau de chacune, doit se poursuivre.
Titre: Terrible vertu (Terrible Virtue)
Auteur: Ellen Feldman
Editeur: Cherche-Midi
Parution: octobre 2019
Merci de mettre en avant de tels livres, ils sont indispensables pour comprendre les questions et les débats soulevés aujourd’hui !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Lilly! C’est dommage que celui-ci n’ai pas été plus mis en avant (je pense que la couverture qui a un petit côté roman d’anticipation l’a desservi) car il permet de rappeler l’histoire de la libération des femmes par les femmes… et que cela reste terriblement d’actualité
J’aimeAimé par 1 personne