Elle porte le prénom d’un volcan, l’Hekla – et c’est sur ses flancs fertiles, un jour d’éruption, qu’elle s’est emplie des mots qui désormais nourriraient sa vie et feraient d’elle un écrivain.
Hekla quitte la ferme familiale avec son sac et sa machine à écrire, et prend le car pour Reykjavík où elle trouvera peut-être plus d’espace pour donner libre cours à ses aspirations littéraires.
Mais ici, en Islande, en 1963, les femmes n’écrivent pas – encore.
La société préfère les cantonner à leur seule place honorifique valable: au sein d’un foyer. Et aux plus belles, on offre le podium de Miss Islande – Hekla, elle, n’en a que faire.
Ici, seuls les hommes sont des poètes.
Alors Hekla tait sa marginalité et se cache pour écrire.
J’attrape la machine à écrire sous le lit, j’ouvre la porte de la cuisine, je pose la machine sur la table et je place une feuille sur le cylindre.
C’est moi qui ai la baguette de chef d’orchestre.
J’ai le pouvoir d’allumer une étoile sur le noir de la voûte céleste.
Et celui de l’éteindre.
Le monde est mon invention
Quand elle ne travaille pas, Hekla tape sans relâche sur sa Remington, les mots noircissent les pages aussi vite que coule la lave des volcans, et deviennent page après pages poèmes, nouvelles et romans.
Une phrase vient à moi puis une autre, une image se dessine, cela fait toute une page, tout un chapitre qui se débat dans ma tête, pataud comme un phoque pris dans un filet. J’essaie d’accrocher mon regard à la lune par la lucarne, je demande aux phrases de s’en aller, je leur demande de rester, il faut que je me lève pour les écrire avant qu’elles s’évanouissent
Hekla est habitée par l’écriture, et l’écriture habite ce singulier roman, où sobriété et raffinement, loin d’être contradictoires, s’imbriquent parfaitement, cimentés par des illuminations poétiques semées tout au long des pages.
Comment vous parler de ce roman en rendant justice à tant de perfection?
C’est de la beauté à l’état pur, servie par d’autres personnages en marge comme Ísey l’amie d’enfance partagée entre ses obligations domestiques et le pouvoir d’évasion des mots dont elle remplit des cahiers cachés au fond d’un seau. Ou Jón John qui rêve de couture et de tenir dans la rue la main d’un garçon, et doit cacher depuis l’enfance sa différence.
Fais de moi un chapitre de roman pour que ma vie ait un sens. Raconte l’histoire d’un garçon qui aime les garçons
Sans cesse, le monde leur rappelle qu’il n’est pas taillé pour eux et anime leur besoin d’émancipation, leur recherche de liberté.
Miss Islande est un roman résolument engagé et féministe où chaque phrase se savoure et percute par la force de sa poésie.
Audur Ava Ólafsdóttir construit une oeuvre qui se distingue par un style atypique qui m’avait déconcertée dans L’exception. Miss Islande appartient clairement à ces romans qui donnent envie d’investir davantage l’univers d’un écrivain – je vous reparlerai certainement d’elle en 2020!
Titre: Miss Islande (Ungfrú Ísland)
Auteur: Audur Ava Ólafsdóttir
Editeur: éditions Zulma
Parution: 2019
Je viens à peine de le commencer et tu me donnes encore plus envie de me plonger dans cette lecture 🙂
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Quel roman formidable! Je t’envie d’avoir encore à le découvrir. Bonne journée 🙂
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Moi aussi je suis en train de le lire, j’aime beaucoup Jón John. J’y retourne d’ailleurs, tu attises encore plus la curiosité 😉
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Jón John est extrêmement attachant, je te comprends! Savoure ta lecture ☺️
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