Des gens comme nous

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Esprit de famille – es-tu là?

C’est l’agitation chez les Blumenthal: Clem, leur fille aînée franchement diplômée, va se marier avec sa compagne Diggs. La cérémonie aura lieu dans la vieille maison familiale brinquebalante, ancien bureau de poste – épicerie qui a vu grandir les aïeux de Bennie Erlend Blumenthal, la mère. Pas de panique! les rassure Clem – elle va gérer toute l’organisation de la cérémonie, grâce à l’aide de toute sa troupe de théâtre expérimental…

Pas de panique? Vite dit: les Blumenthal ont beau être une famille heureuse et unie, la maison, à cinq jours du mariage, déborde bientôt d’invités qui débarquent les uns après les autres: les amies folles dingues de Clem, sa bande de théâtre, la vieille tante Glad, les frère et soeur de Bennie, leurs enfants, des chiens et un bébé – dans une maison déjà chahutée en temps normal par les trois autres enfants libres penseurs de Bennie et Walter, son Rempart de mari (un surnom qui lui va comme un gant), ce joyeux bazar met les nerfs de Bennie et Walter à rude épreuve, déjà éprouvés par les secrets bien gardés de la nouvelle grossesse de Bennie et de la mise en vente prochaine de la maison, à laquelle tous sont tellement attachés.

Le mariage de Bennie et Walter n’a jamais été du genre carte postale de la douceur et de la légèreté; en fait, Clem les a toujours entendus se disputer, parfois avec une authentique passion. Mais ça, elle s’en rend compte aujourd’hui, c’est un élément essentiel et totalement positif de son enfance, à savoir le privilège de grandir en sachant que, quel que soit le conflit entre les parents, ils sauront toujours le régler et y survivre. Quand bien même leur mariage ne survivrait pas. Mais tout et tout le monde, fondamentalement, essentiellement, en réchapperait toujours.

Quitter Rundle Junction, où s’est écrite l’histoire de la famille de Bennie, marquant à jamais sa vieille tante Glad depuis l’accident qui a coûté la vie à dix-huit enfants en 1927 lors d’une fête locale, ne serait même pas envisageable pour sa couvée… 

L’arrivée d’une communauté juive orthodoxe dans la petite ville de l’Etat de New York va pourtant ébranler toutes les convictions, même celle du Rempart, qui ne sait plus lui même trop où se situer dans tout cela – juif pour les non juifs, shaygetz pour les ultra-pratiquants de sa communauté: que doit-il penser de ce sursaut antisémite qui tout d’un coup agite les bonnes moeurs de Rundle Junction, et des interrogations de ses enfants?

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crédit photo @ Sagar Patil

Dans le huis clos agité de ces cinq jours qui tournerait presque au merveilleux vaudeville s’il n’était empreint d’un peu de gravité, il va se passer bien des choses – de pensées individuelles en actes collectifs décortiqués avec brio par la plume vitaminée de  Leah Hager Cohen (vitaminée, par sa façon de piquer de jaune lumineux son récit: ici « une lune bonbon au citron », là une « lumière citronnade » ou du « sucre filé dans le soleil ») qui capte les moindres détails, l’histoire se déroule au gré des uns et des autres, tandis que la pluie et le vent s’infiltrent dans les murs, derrière lesquels se balade une petite souris qui elle aussi a sa place dans la grande farandole de cette histoire. 

Le soleil reviendra-t-il pour honorer la cérémonie des mariées dans le théâtre du jardin familial, au pied du vieux noyer qui leur servira d’autel païen?

Formidable pléiade de personnages croqués au plus vif (ce merveilleux petit Pim qui se balade les fesses à l’air et qu’on a envie de croquer!) dont l’auteure restitue pour notre plus grand délice la singularité, Des gens comme nous est un grand et dense roman, remarquable par son travail d’écriture allié à un art du « story telling », dans la belle tradition de la littérature américaine. 

Leah Hager Cohen interroge l’identité, la mémoire familiale, et la peur de l’Autre – sans porter de jugement dans ce récit baigné d’une lumière joyeuse.

Titre: Des gens comme nous (Strangers and Cousins)

Auteur: Leah Hager Cohen

Editeur: Actes Sud

Parution: janvier 2020

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