Isra, Derya, Farida: trois femmes privées de parole dans une société où elles doivent rester confinées aux quatre murs de leur maison, à cuisiner et laver sans relâche, à attendre que les hommes (père et fils) regagnent le foyer après leur journée.
Des hommes tout puissants, mis sur un piédestal depuis leur plus jeune âge. Des hommes qui ont tous les droits sur leur femme, même celui de les brutaliser.
A dix-sept ans, Isra quitte la Palestine: ses parents ont choisi pour elle un époux qui l’emmènera vivre aux Etats-Unis, où sa famille a émigré depuis de nombreuses années. Isra, c’est pour eux la promesse d’une jeune fille qui perpétuera la tradition culturelle.
Tout le monde savait que les filles élevées en Amérique méprisaient ouvertement leur culture et leur éducation arabes
Arrivée à Brooklyn, la réalité rattrape Isra. Elle qui croyait à une autre vie, à une histoire d’amour comme celles qu’elle lisait dans les livres, déchante très vite. Elle passe ses journées avec sa belle-mère pour entretenir le foyer, son époux s’occupe à peine d’elle – et lorsqu’il s’intéresse trop à elle, c’est pour la battre.
Une femme restait une femme, où qu’elle soit
De Brooklyn, elle ne connaît que la maison de ses beaux-parents, et quelques rues de son quartier quand son mari consent à la sortir.
Isra a été choisie pour perpétuer la lignée. Mais le fils, cet enfant roi qui assurera la pérennité de la lignée et la subsistance de la famille, tarde à venir. Pire. Elle met au monde quatre filles. Quatre fardeaux.
Famille palestinienne, 1910
A ces femmes qui vivent dans le silence, Etaf Rum offre la parole.
Isra et sa fille aînée Derya, à plusieurs années d’intervalle, rêvent de liberté – Derya aimerait pouvoir faire les choix que sa mère n’a pas eu la chance de faire. Décider de se marier si elle le veut et avec qui, pouvoir étudier. Mais sa grand-mère paternelle, Farida, s’y oppose. A la fois autoritaire et résignée, elle est la gardienne des traditions de leur culture, mais aussi de secrets qui pourraient être, pour Derya, la clé de sa révolte.
Un vrai choix, c’est un choix sans conditions. Un vrai choix, c’est un choix fait en toute liberté
Est-ce que le prix de la liberté est celui de devoir renoncer à sa famille, à sa culture, voire à la vie?
Isra et Derya, chacune, feront l’expérience dramatique de leurs choix.
Le silence d’Isra est un énorme coup de coeur. Roman au rythme tendu, il alterne les points de vue et les histoires de chacune – des femmes qui pendant longtemps ont pensé « que le silence était la seule voie. Qu’il était plus sûr de se soumettre que de se faire entendre ».
Un réalisme fort qui nous baigne dans les excès dévastateurs d’une culture qui renie la femme.
Le titre original du roman, A woman is no man, résume en quatre mots leur condition.
Titre: Le silence d’Isra (A woman is no man)
Auteur: Etaf Rum
Editeur: Editions de l’Observatoire
Parution: janvier 2019